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Des milliers de Tunisiens intolérants au gluten : Quand l’intérêt commercial l’emporte sur la santé publique

Par Hassan GHEDIRI

Formant une communauté de près de 100 mille personnes, les Tunisiens atteints de la maladie cœliaque vivent la double peine de la pathologie chronique et de l’exploitation économique…

Selon les estimations, la prévalence de la maladie cœliaque en Tunisie est proche de 1% de la population. C’est-à-dire qu’environ 100 mille Tunisiens présentent une intolérance permanente au gluten qui est un ensemble de protéines (principalement des gliadines et des gluténines) contenues dans la majorité des céréales utilisées dans l’industrie agroalimentaire. Ils sont obligés de vivre avec un régime nutritionnel très strict parce que leur maladie implique une destruction de leur intestin grêle dès lors qu’ils consomment un aliment contenant du gluten.

Leur unique salut réside donc dans les aliments sans la moindre trace des protéines néfastes pour leur santé.  Mais au lieu d’être accompagnés dans leur calvaire qui dure toute la vie, ils se trouvent livrés à un marché impitoyable qui transforme leur souffrance en une opportunité commerciale.


Pour se procurer une alimentation sans gluten, les patients tunisiens paient au prix fort ce qui est supposé relever du droit fondamental à la santé, c’est-à-dire leur alimentation. Ainsi, un petit paquet de pâtes sans gluten de moins de 400 grammes se vend dans les supermarchés et les commerces spécialisés à environ 7 dinars, soit presque quinze fois le prix des pâtes ordinaires. Idem pour la farine, dont le demi-kilo sans gluten est vendu à partir de 9d,700 contre moins d’un dinar pour la farine classique.

Le régime vital mais très onéreux devient alors un fardeau financier insoutenable pour plusieurs dizaines de milliers de citoyens. Faute de moyens, beaucoup d’entre eux se trouvent obligés d’enfreindre l’interdiction du gluten et s’exposer à de graves complications de santé. 

Un parcours du combattant

Depuis quelque temps, les personnes souffrant de cette pathologie chronique et leur famille qui trouvaient jusqu’ici leur besoin dans certains produits sans gluten fabriqués localement sont obligés de payer encore plus cher des pâtes, de la farine et des biscuits importés de l’étranger et dont les prix sont souvent calculés en euro et en dollar.

Pour on ne sait quelle raison, la seule entreprise tunisienne de pâtes alimentaires qui détient, semble-t-il, l’exclusivité de fabrication des produits à base de céréales sans gluten sur le marché national a réduit considérablement sa production dans cette gamme spéciale. Pour dire que la diversification de la production sans gluten et la multiplication des fabricants sont de nature à engendrer une concurrence qui sera sans doute bénéfique pour des milliers de patients dont le quotidien relève toujours du parcours du combattant.

Car la rareté incite les fabricants et les revendeurs à augmenter les prix pour réaliser plus de bénéfices aux dépens de l’intérêt des consommateurs. C’est la passivité des autorités qui irrite les patients et leurs familles, car, contrairement à beaucoup de pays, l’Etat tunisien hésite à instaurer un système de soutien global au profit des milliers de citoyens atteints de la maladie de cœliaque.

Il y avait certes la décision prise conjointement au mois de janvier dernier par les ministères de la Santé et des Affaires sociales mettant en place un système de subvention destiné aux familles pauvres ayant dans leurs membres une personne intolérante au gluten. Ce projet qui s’inscrit dans le programme de sécurité sociale concerne uniquement les ménages à revenu limité marginalise plusieurs milliers de malades de la classe moyenne ou de ce qu’il en reste parce que déjà tous les Tunisiens, exceptés les plus nantis, sont aujourd’hui étranglés par la cherté de la vie.

L’Etat est capable d’intervenir sur plusieurs axes pour alléger le fardeau que représente la maladie cœliaque pour plus de 100 mille Tunisiens qui paient très cher leur nourriture. Il peut éventuellement envisager un dispositif de régulation des prix des produits sans gluten commercialisé sur le marché local en rationalisant les marges appliquées par les revendeurs.

Le cap doit également être mis sur la production locale de farine, alternative aux céréales riches en gluten, ce qui permettrait de réduire la dépendance de l’importation et réduire considérablement les prix. L’intégration des produis sans gluten dans le système des subventions alimentaires s’avère par ailleurs indispensable surtout que le coût de cette compensation serait très raisonnable au vu du nombre très négligeable des bénéficiaires potentiels.

H.G.

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