Par Hassan GHEDIRI
Alors qu’il se battait bec et ongle à l’hémicycle pour réduire comme il peut les dépenses prévues pour 2026, le gouvernement peut toujours compter sur la diaspora pour stabiliser la balance des paiements…
En six mois, les transferts de fonds en provenance de la diaspora tunisienne ont plus que doublé, frôlant les 8 milliards de dinars (MD) fin novembre contre 3,14 MD au mois de mai. Les fonds des TRE qui ont été depuis longtemps considérés comme une ressource indispensable pour la consommation des ménages en Tunisie, s’imposent désormais avec les recettes touristiques comme un levier économique stratégique et fondamental qui permet à l’Etat de maintenir à flot ses stocks en devises, de compenser le manque de financements extérieurs et surtout de couvrir une partie non négligeable du service de la dette.
En effet, 8 milliards de dinars c’est quasiment l’équivalent de la somme consacrée chaque année par l’Etat pour la subvention des familles nécessiteuses et des entreprises. D’ici la fin de l’année, il serait possible de voir ces recettes frôler les 10 milliards de dinars.
Certes, la dépréciation de la monnaie nationale par rapport aux principales devises explique en grande partie l’expansion remarquable des fonds transférés par les TRE, mais c’est aussi la détérioration du pouvoir d’achat des ménages tunisiens dont des centaines de milliers dépendent désormais des aides envoyés par leurs proches pour arrondir leurs fins de mois.
Car, l’argent de la diaspora tunisienne continue toujours à servir exclusivement à la consommation alors que les autorités peinent à mettre en place des mécanismes d’incitation efficaces à même de réaffecter massivement ces fonds dans des projets de développement durables et générateurs d’emplois.
Un grand défi
Aujourd’hui, ces transferts sont néanmoins en train d’apporter une véritable bouffée d’oxygène à la balance de paiements de notre pays. Dans un contexte de déficit général, l’apport des transferts de la diaspora consolide tant bien que mal les réserves en devises considérées comme un filet de sécurité financière pour subvenir aux besoins stratégiques de liquidité.
Le grand défi consiste toutefois à rediriger une bonne partie de ces fonds vers des investissements qui permettent d’améliorer davantage les indicateurs de développement. Une urgence rendue plus que jamais vitale dans la conjoncture économique et financière actuelle.
Il faut dire que la problématique de la rentabilisation économique des transferts de la diaspora a fait l’objet de plusieurs études pour identifier les entraves qui empêchent le pays de mieux tirer profits de cette manne colossale.
Alors que la Tunisie manque encore de tirer pleinement profit de l’énorme potentiel économique que représentent les TRE, nombreux sont les pays qui ont suivi avec succès des politiques permettant de drainer plus efficacement l’épargne de leur diaspora. Pour ce faire, des pays comme l’Egypte, le Nigeria, l’Inde et d’autres ont misé sur des produits financiers plus en phase avec les besoins de leurs diasporas avec notamment des rémunérations de l’épargne plus attractives que ce qui est appliqué dans les pays d’accueil.
Les spécialistes trouvent d’ailleurs absurde qu’en Tunisie, l’Etat hésite à jouer cette carte, d’autant que les taux de rémunération en vigueur dans les principaux pays d’installation des TRE, en l’occurrence la France, l’Italie et l’Allemagne, sont très bas.
Un constat qui doit normalement inciter l’autorité monétaire à revoir à la hausse les taux appliqués par les banques, ce qui permet d’attirer des capitaux à même de financier structurellement l’économie et participer durablement à la stabilisation des équilibres publiques.
H.G.

