Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Les Tunisiens ont désormais le droit d'ouvrir un compte en devises suite à l'amendement de l’article 18 de la loi n°76 de 1976, relatif au cahier des changes et du commerce extérieur. Que dit le nouveau texte et qu'en pensent les experts ?
Avec 69 voix favorables, 17 oppositions et 17 abstentions, l'Assemblée des Représentants du Peuple (ARP) a voté l'amendement de l’article additionnel n°81 du projet de loi de finances 2026, permettant aux citoyens résidant en Tunisie, d'ouvrir des comptes en devises. Cette réforme vise à assouplir les démarches et moderniser le cadre légal de Code des Changes, à clarifier les conditions d’ouverture de ces comptes et à assouplir leur régime de fonctionnement.
Pour mieux comprendre les dispositions de cette nouvelle législation, nous avons interrogé l'expert en économie et en finances, Mohamed Salah Jennadi, qui nous a indiqué : " Les personnes physiques de nationalité tunisienne, résidant en Tunisie, peuvent ouvrir auprès des intermédiaires agréés des comptes en devises.
Cette ouverture n’est plus soumise aux conditions prévues aux articles 16 et 18 du Code des changes et du commerce extérieur, ni aux dispositions de l’article 16 de la loi n°83 de 1986 (loi de finances rectificative). Le texte précise également que l’ouverture de ces comptes n’est pas soumise à l’accord préalable de la Banque Centrale de Tunisie.
Les comptes en devises peuvent être alimentés sans autorisation préalable, notamment par les montants transférés depuis un autre compte en devises ou en dinars convertibles, les intérêts générés par les fonds déposés ou placés par l’intermédiaire agréé, conformément aux taux avantageux fixé par la Banque centrale et les montants provenant de la dotation touristique annuelle ". Qu'en est-il, en outre, du marché de devises en noir et quel est l'impact de cette législation sur l’économie nationale ?
Restrictif...
Même si certains experts ont salué cette nouvelle réforme notamment pour ses effets positifs sur l'activité des Start-up, d'autres spécialistes regrettent l'approche restrictive de cet article, " certes les nouvelles dispositions relatives au Code des changes et du commerce extérieur vont permettre aux jeunes investisseurs dans les Start-up de booster leurs activités en s'ouvrant sur les marchés extérieurs, seulement et au vu des chiffres fraîchement publiés, je crains que la performance réalisée ces deux dernières années en matière des équilibres financiers en devises ne soit altérée. En effet, le déficit courant a continué de se contracter, s’établissant à -2,6 milliards de dinars (MDT).
Soit -1,6 % du PIB et en amélioration par rapport aux -3,5 milliards de dinars et -2,3 % enregistrés une année auparavant. Cette évolution a permis la consolidation des avoirs nets en devises. Lesquels se sont maintenus à 27 332 MDT à la fin de 2024, représentant l’équivalent de 121 jours d’importation.
Ce sont les chiffres révélés par le rapport de la Banque Centrale de Tunisie (BCT), intitulé « Balance des paiements et position extérieure globale de la Tunisie 2024», nous dit le cadre bancaire Houssine Chalghaf. Et d'ajouter : " J'aurais préféré et souhaité que la législation ait opté vers une amnésie générale permettant d'intégrer le marché de devises en noir dans le circuit officiel afin de faire profiter l'économie nationale de cette manne".
M.B.S.M.

