contactez-nous au 71 331 000
Abonnement

Editorial : Au nom de la bonne humeur…

Par Chokri Baccouche

C’est un fait qui saute aux yeux et crève l’écran, on consomme trop d’informations négatives. Dans leur course effrénée à l’audimat et leur interminable quête du buzz, les médias nous gavent à longueur de journée de faits divers sordides, catastrophes naturelles dramatiques et autres conflits meurtriers qui sévissent dans telle ou telle région du globe.

Le web est également un puissant diffuseur de mauvaises nouvelles que les internautes se partagent en un simple clic avec des amis, parfois avec la fierté de leur apprendre ce qu’ils ignoraient encore. Dans cet univers ultra connecté, la propagation de la négativité via les canaux d’informations est le pain quotidien de millions de personnes, aussi bien en Tunisie que partout ailleurs dans le monde.

Bien évidemment, les médias n’inventent pas la roue. Ils ne font que rapporter, en réalité, des événements et des incidents qui surviennent ça et là à travers le globe, mais il faut reconnaitre qu’ils en font un peu trop. Pourquoi ont-ils tendance à forcer la dose ?

Parce que notre cerveau, parait-il, raffole secrètement de ce genre d’informations. Plus exactement, nous sommes tous victimes de ce que les scientifiques appellent le biais de négativité, c’est-à-dire une tendance spontanée de notre cerveau à être attirée par les informations négatives.

Cela s’explique, parait-il, par l’évolution. Pour pouvoir éviter le danger et maximiser nos chances de survie, notre cerveau est particulièrement sensible à tout ce qui pourrait nous menacer. Et il va littéralement s’accrocher au négatif. Résultat : notre vision du monde est déformée. Nous pensons en général que celui-ci est beaucoup plus sombre et sans espoir qu’il ne l’est réellement.

Décidément, la nature de l’être humain est drôlement complexe. L’homo sapiens aime consommer des informations qui donnent la sinistrose, tout juste parce que son ciboulot est formaté pour carburer de cette manière. On serait tenté de penser d’ailleurs que derrière chaque bipède se cache un incorrigible masochiste qui aime s’autoflageler pour répondre à un étrange besoin pouvant lui causer de sérieux pépins de santé.

Il se trouve en effet que les informations négatives peuvent altérer l’équilibre psychologique des individus et causer pas mal de désagréments comme le stress, l’anxiété, la dépression, la fatigue informationnelle, l’insomnie et la mauvaise humeur.

Sur le plan sociétal, elles peuvent éroder la confiance dans les institutions et polariser les opinions, dans le « mauvais sens » s’entend. Bref, l'exposition aux informations négatives a des effets psychologiques et physiques significatifs, principalement en raison du biais de négativité inné au cerveau humain, qui accorde plus d'importance aux menaces et aux mauvaises nouvelles qu'aux informations positives.

Il est possible bien évidemment de se prémunir contre tous ces désagréments. Il suffit tout juste de zapper, c’est-à-dire éviter autant que faire se peut de consommer les informations négatives ou carrément flippantes comme celle qui nous est parvenue hier de Souassi où une dame a tenté de s’immoler par le feu après le rejet de son dossier relatif à une demande d’aide matérielle devant servir à financer une intervention chirurgicale pour son mari.

Le rapport sur l’indice du bonheur pour l’année 2025 « World Happiness Report 2025 », publié le 20 mars dernier, a classé la Tunisie à la 113ème place sur un total de 147 pays listés. On en déduit que nos concitoyens sont loin de voir apparemment la vie en rose et aussi surprenant que cela puisse paraitre, nos voisins libyens, Algériens et Marocains sont mieux classés que nous et ce, même si la situation pour certains d’entre eux -la Libye notamment- est loin d’être pour le mieux.

Les difficultés économiques, le chômage, la corruption et la cherté de la vie y sont certainement pour quelque chose et affectent le sentiment de bonheur de bon nombre de nos concitoyens. Pour renverser la vapeur, on serait bien inspiré chez nous d’imiter peut-être l’initiative insolite et très originale du maire d’Andrézieux-Bouthéon, une commune proche de Saint-Etienne qui vient de signer un arrêté incitant ses administrés à être de bonne humeur durant le mois de décembre.

Pour chasser « l’ambiance morose » dans sa commune et pousser les habitants de la région à afficher un sourire radieux, l’élu a incité ces derniers à porter des habits colorés. L’initiative, en tout cas, a fait mouche et monsieur le maire a réalisé finalement l’objectif qu’il s’était fixé. L’idée de créer chez nous un festival de la bonne humeur ne serait certainement pas de trop.

Elle aura au moins le mérite de semer la bonne humeur dans le pays et de requinquer le moral de nos concitoyens, en attendant une embellie économique et sociale tant espérée, mais qui tarde malheureusement à être au rendez-vous…

C.B.

Partage
  • 25 Avenue Jean Jaurès 1000 Tunis R.P - TUNIS
  • 71 331 000
  • 71 340 600 / 71 252 869