Par Chokri BACCOUCHE
Aussi peu surprenant que cela puisse paraitre, Israël agit en Syrie en pays conquis. Depuis la chute du régime de Bachar el-Assad, l’armée sioniste multiplie les incursions et les agressions en territoire syrien se permettant même le luxe d’y créer une zone tampon. En plus du plateau du Golan qu’il occupe depuis 1967, Israël s’est accaparé quelque 400 km2 dans le sud de la Syrie depuis 2024. Dans le gouvernorat de Qunaitra, les bidasses de Tsahal font régner la terreur.
Les incursions, les enlèvements et les attaques des snippers israéliens y sont devenus monnaie courante. Pis encore, l’armée sioniste y a établi des check points semblables aux points de contrôle érigés dans les territoires palestiniens occupés. Les syriens ne circulent plus librement, du coup, dans leur propre pays et sont ainsi obligés de montrer patte blanche pour se rendre d’une région à une autre. L’humiliation en extra bien évidemment quand les brimades sévères ne sont pas au rendez-vous.
Ne faisant face à aucune résistance et l’appétit venant en mangeant, l’armée israélienne érige des miradors un peu partout et prend en otage pour ainsi dire des pans entiers du territoire syrien. Ce qui était impensable il y a quelques années, est devenu malheureusement une réalité palpable. Une réalité amère qui veut que le fier pays d’Echam tombe aussi bas dans les affres de l’incertitude, la résignation révoltante et l’humiliation aussi douloureuse qu’inacceptable.
Comment en est-on arrivé là ? Bonne question à poser à Ahmed Al-Charaa alias Abou Mohamed Al Joulani, le nouveau président syrien. Leader de Hayat Tahrir Al-Cham, une ancienne branche d'Al-Qaida en Syrie, Joulani a troqué, depuis le départ d’Al Assad son képi militaire pour un costume Alpaga de plusieurs centaines de dollars. On ne compte plus ses visites à l’étranger, pour renforcer dit-on sa mainmise sur le pouvoir, mais certainement pas pour le bien de son pays et de son peuple.
Celui qui a guerroyé pendant de longues années contre l’armée régulière de Bachar Al-Assad se fait étrangement muet comme une carpe face à l’invasion par Israël de la Syrie. Aussi étrange et troublant que cela puisse paraitre, les jihadistes de Hayat Tahrir Al-Cham n’ont même pas tiré une seule balle contre les soldats israéliens qui violent pourtant l’honneur et l’intégrité territoriale du pays qu’ils prétendent avoir libéré, paradoxalement, des « griffes d’un dictateur sanguinaire ».
On l’aura certainement compris, Joulani n’est pas du genre ingrat. Il n’ose pas bouger le petit doigt pour chasser l’envahisseur israélien, parce que dès le départ on lui a assigné ce rôle. Celui de la marionnette attitrée d’un sit-com américano-sioniste d’une médiocrité assommante. Par son ineptie calculée, Joulani renvoie en fait l’ascenseur à ceux qui l’ont nourri, blanchi, armé jusqu’aux dents et qui lui ont fourni l’aide et la logistique nécessaire pour faire tomber l’ennemi numéro un d’Israël dans la région à savoir Bachar Al-Assad.
Telle était l’idée dès le départ et le plan machiavélique concocté par la CIA et le Mossad israélien et que Joulani se devait d’appliquer à la lettre pour trouver grâce aux yeux de ses sponsors et mettre pied à l’étrier du pouvoir.
Que ne ferait-on pas, décidément, pour le pouvoir. Comme disait le célèbre homme de lettres ivoirien Fodjo Kadjo Abo, il est des gens qui sont tellement tourmentés par le pouvoir qu’ils en viennent à faire l’âne pour avoir du foin. Rien, pour eux, n'est ni trop dégradant ni trop suicidaire pour arriver à leurs fins. Ce que Fodjo regrette le plus, c'est « la manie que ces arrivistes ont de vouloir satisfaire leurs ambitions aux dépens de l'ordre public ». Joulani pousse en fait l’absurde et l’inconcevable à leur paroxysme car il veut satisfaire ses ambitions dévorantes et démesurées non pas aux dépens de l’ordre public mais au détriment de l’indépendance de son propre pays.
Un pays qu’il a vendu apparemment pour une bouchée de pain en le jetant en pâture aux charognards qui rôdent dans le ciel du Moyen-Orient. En scellant surtout un véritable pacte avec le diable.
Le plus dramatique dans cette histoire, c’est que la Syrie est non seulement menacée aujourd’hui dans son intégrité territoriale mais elle fait l’objet également d’un plan de partition israélien devant permettre à l’entité sioniste de mettre sous sa botte l’ensemble de la région. Le pouvoir de transition en Syrie qui a célébré, il y a quelques jours, en grande pompe le premier anniversaire de la chute du régime de Bachar Al-Assad, aura certainement l’occasion de s’initier sous peu à l’art de… danser sur un seul pied au rythme d’une partition en quatre temps égrenée par ses maitres à penser sionistes. Le tout dans un pays livré aux vents de l’instabilité, comme « Syriens n’étaient »…
C.B.

