Deux chiffres publiés lundi par l’Institut national de la statistique sur les résultats du recensement général de la population et de l’habitat de 2024 interpellent : entre 2019 et 2024, 156 497 jeunes Tunisiens ont migré à l’étranger, contre 65 927 seulement sur la période 2010–2014. La hausse observée (≈ +137 %, soit près de 90 570 jeunes supplémentaires) est statistiquement significative et appelle une lecture approfondie. En moyenne annuelle, le flux a quasiment doublé, signe d’un malaise socio-économique persistant : chômage élevé des jeunes, précarité des diplômés, inflation et manque de perspectives. La pandémie, suivie d’une reprise des mobilités, a amplifié le phénomène.
Pour en saisir toute la portée, il est nécessaire d’aller au-delà des chiffres globaux. Une analyse par sexe et par tranche d’âge (15–19, 20–24, 25–29, 30–34) permettrait d’identifier les profils les plus concernés, qu’ils soient diplômés ou non. L’examen par gouvernorat révélerait les principaux bassins d’émigration, tandis que la ventilation par destination et statut migratoire (légal, irrégulier, travail, études, regroupement familial) éclairerait les canaux de départ. Une lecture temporelle annuelle mettrait en évidence les pics liés aux crises économiques ou politiques, comme ceux de 2020 et 2021.
À ces données quantitatives doivent s’ajouter des sources qualitatives : enquêtes de motivation, témoignages de jeunes, rôle des réseaux de passeurs, implication de la société civile et des consulats. Enfin, il convient de vérifier la méthodologie du RGPH pour assurer la comparabilité entre périodes et préciser qui est compté comme « migrant ».