Le développement de l’agriculture n’est pas uniquement un moyen pour atteindre l’autosuffisance et assurer la sécurité alimentaire. Il constitue aussi un des facteurs fondamentaux du progrès et de la stabilité économique et du bien-être de paix sociale. Assurer une offre abondante et stable de produits agricoles contribue à la maitrise des coûts de tous les acteurs composant la chaine de production, de transport et de stockage et permet à tous les citoyens, surtout les plus vulnérables, d’avoir accès à des aliments nutritifs, de bonne qualité et à des prix a assez abordables. Le développement d’une agriculture diversifiée permet de se libérer de la soumission aux influences étrangères qui est aujourd’hui de plus en plus exercée par le biais de l’aide alimentaire, des accords commerciaux déséquilibrés favorisant les intérêts des grandes puissances en plus de la domination exercée par la dépendance technologique. Produire localement et en quantités suffisamment abondantes tout ce dont la population a besoin pour sa nutrition consolide donc l’indépendance et la souveraineté du pays et renforce sa résilience face à toutes les formes de pression extérieure.
Malheureusement, aujourd’hui, cela n’est point le cas pour notre pays. L’agriculture nationale est loin d’être le secteur qui assure l’autosuffisance et garantit un approvisionnement stable et régulier du marché et un accès facile et abordable aux nutriments essentiels à tous les citoyens. Sans pour autant tenter de faire une interprétation extravagante, nous estimons que beaucoup de chiffres publiés à la fin de la semaine dernière par l’Institut national de la statistique (INS) confirme ce constat peu reluisant de l’agriculture tunisienne. Il est peut-être universellement admis que les chiffres ne mentent pas. Mais la vérité oblige de dire que parfois (souvent ?), les chiffres trompent. Dans la foulée des publications sur l’évolution des principaux indicateurs économiques et sociaux, l’autorité de la statistique publique a dévoilé la dernière mise à jour des taux relatifs à l’indice des prix à la consommation du mois d’août 2025. Si dans l’absolu la tendance laisse paraitre un nouveau recul de l’inflation qui a poursuivi sa très lente dégringolade enclenchée depuis un an pour se situer à 5,2% le mois dernier contre 7% en juillet 2024, les ménages tunisiens continuent toujours à souffrir pour joindre les deux bouts. Et pour cause : les prix de l’alimentation, essentiellement des produits agricoles qui continuent à grimper. Il s’est avéré, en fait, que sur un an, c’est-à-dire entre août 2024 et 2025, les fruits et légumes, la viande et les poissons ont vu leur prix bondir à des taux allant de 10 à plus de 20%. De manière générale et toujours selon les chiffres de l’INS, le panier composé essentiellement de produits agricoles frais, les prix augmentent plus vite que l’inflation. Et qui dit des produits agricoles qui coûtent plus cher, dit beaucoup de ménages incapables de se subvenir aisément à leur alimentation et qui voient en même temps leur pouvoir d’achat se détériorer davantage. Pour revenir à notre problématique de départ, si l’inflation ne fléchit pas et pèse de plus en plus lourdement dans le panier des denrées agricoles, c’est parce qu’au tout début, il y a une agriculture qui souffre. Et pour récapituler, disons que parce que l’Etat tarde à accorder l’intérêt que mérite un secteur stratégique et plus que vital qu’est l’agriculture, l’on ne pouvait récolter que l’insécurité alimentaire, avec en toile de fond une dépendance accrue aux marchés extérieurs et une souveraineté presque effacée, et à une plus petite échelle un achat écrasé des ménages par la flambée des prix agricoles, un fossé qui se creuse davantage entre les pauvres et les plus aisés, qui amplifie les injustices et nourrit une grogne sociale qui couve, le tout derrière des montagnes d’incertitude et d’inquiétude qui pèsent sur les épaules de tout le monde. Pour dire que pour détruire les inégalités, cimenter la paix sociale, bâtir et consolider la souveraineté, il faut faire de l’agriculture la priorité nationale numéro un.
H.G.