contactez-nous au 71 331 000
Abonnement

Editorial : Sanction ou autopunition ?

Par Chokri Baccouche

Deux mois à peine après la 18è série, la Commission européenne s’apprête à adopter un 19è « paquet » de sanctions contre Moscou ciblant notamment les hydrocarbures russes. L’annonce de cette nouvelle mesure a été faite vendredi dernier. Elle vise à sevrer l’économie russe d’une partie de ses recettes énergétiques et, partant, saborder l’effort de guerre du Kremlin en Ukraine.

L’embargo que l’U.E s’apprête à décréter sur le pétrole russe n’est pas une idée européenne à proprement parler. Il fait suite à la condition posée par le président américain Trump qui s’est dit prêt à prendre de nouvelles sanctions contre la Russie pour peu que les pays du Vieux continent arrêtent d’acheter du pétrole russe. Les paroles du grand Manitou U.S étant sacrées surtout que les Européens sont en mal de solutions pour régler le sacro-saint problème ukrainien selon leur convenance, la cause a été donc entendue illico et apparemment sans trop de discernement.

A bien des égards, cette nouvelle mesure de rétorsion est une arme à double tranchant. Les experts s’accordent d’ailleurs à penser, à juste titre, qu’elle est non seulement improductive mais pourrait donner également et surtout l’effet inverse particulièrement pour les pays européens qui subiront inévitablement les conséquences au double plan économique et social. Loin d’ébranler l’économie russe, les sanctions européennes se sont retournées paradoxalement contre… l’Europe. Elles se sont traduites en effet par une explosion des prix de l’énergie.

Le prix moyen de l’électricité en Europe a, ainsi, doublé par rapport à 2021. Des pays comme l’Allemagne, fortement dépendants du gaz russe bon marché, ont dû investir massivement dans les infrastructures pour importer du gaz liquéfié depuis les Etats-Unis et le Qatar qui leur coûte quatre fois plus cher.
La hausse des prix de l’énergie a contribué également à une inflation généralisée dans toute l’Europe.

En 2023, l’inflation moyenne dans la zone euro a atteint près de 10 %, un record depuis plusieurs décennies. Cette situation a considérablement réduit le pouvoir d’achat des ménages, en particulier dans les pays les plus vulnérables économiquement, comme la Grèce, l’Espagne et l’Italie.
En Allemagne, principal moteur économique de l’Union, les syndicats ont organisé plusieurs grèves pour demander des hausses de salaires afin de compenser l’inflation. Les secteurs de l’alimentation et du logement ont été particulièrement touchés, avec des augmentations de prix dépassant parfois les 20 %

Les sanctions contre la Russie ont par ailleurs affecté certains secteurs industriels européens, notamment ceux dépendants des matières premières russes. La Russie est un fournisseur majeur de métaux comme l’aluminium, le nickel et le palladium, essentiels à des industries stratégiques telles que l’automobile et l’aérospatiale.
Last but not least, les conséquences économiques des sanctions ont alimenté des tensions politiques et sociales dans plusieurs pays européens.

En Italie et en Hongrie, des mouvements populistes ont critiqué la politique de sanctions de l’Union européenne, la qualifiant de « suicidaire » pour les économies nationales.
En Allemagne et en France, des manifestations ont éclaté contre la hausse des coûts de la vie. Les gouvernements ont été contraints de mettre en place des plans de soutien aux ménages, comme des subventions pour l’énergie et des plafonnements de prix, ce qui a accru les déficits publics.

Bref, on peut dire que l’Europe a beaucoup perdu au change surtout que de l’autre côté de la barrière, en Russie en l’occurrence, les choses ne vont pas aussi mal. Grâce à une stratégie judicieuse fondée sur la diversification des partenariats, le pays des tsars a non seulement réussi à contourner les sanctions européennes mais également à maintenir à flot son économie.

L’Inde et surtout la Chine se sont chargés d’absorber le manque à gagner en devenant les plus grands importateurs de pétrole russe.
En mal de solution pour décider du sort d’une guerre qui lui échappe de plus en plus comme le confirme la réalité sur le terrain, l’Europe répond donc favorablement à la condition posée par Donald Trump dans l’espoir, incertain du reste, que ce dernier fera preuve d’un engagement plus conséquent dans le conflit ukrainien.

Le proche avenir nous dira si les dirigeants européens ont pris la bonne décision ou au contraire ils vont jeter le bébé avec l’eau du bain en prenant le risque majeur de subir les conséquences d’une initiative hautement préjudiciable qui pourrait mettre davantage à mal les économies européennes actuellement dans une très mauvaise passe…

C.B.

Partage
  • 25 Avenue Jean Jaurès 1000 Tunis R.P - TUNIS
  • 71 331 000
  • 71 340 600 / 71 252 869