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Éditorial : Éviter le gouffre - Par Jalel HAMROUNI

Alors que le conflit en Ukraine s’enlise dans une guerre d’usure, les tensions entre l’OTAN et la Russie atteignent un niveau critique. Chaque nouvelle livraison d’armes occidentales, chaque manœuvre militaire en mer Baltique, chaque déclaration belliqueuse de Moscou ou de Washington alimente un engrenage dont les conséquences pourraient être catastrophiques pour le monde entier. Il est temps de tirer la sonnette d’alarme : nous nous approchons dangereusement d’un point de non-retour où un affrontement direct entre l’OTAN et la Russie ne serait plus une simple hypothèse, mais une réalité tragique.

L’Histoire nous enseigne que les grandes guerres ne naissent pas toujours d’un plan machiavélique ou d’une volonté délibérée, mais souvent d’une série de malentendus, de provocations mal calculées et de réactions en chaîne. La Première Guerre mondiale en est un exemple criant. Aujourd’hui, les risques sont bien plus grands encore. Une confrontation directe entre l’Alliance atlantique et la Fédération de Russie ne serait pas une guerre conventionnelle comme celles du XXe siècle. Elle impliquerait deux puissances nucléaires, dotées d’arsenaux capables d’anéantir l’humanité.

Les signaux d’alarme se multiplient. Moscou, isolée diplomatiquement mais toujours déterminée à maintenir son influence, multiplie les démonstrations de force, tout en agitant régulièrement la menace nucléaire comme moyen de dissuasion. De son côté, l’OTAN poursuit son élargissement et renforce sa présence militaire en Europe de l’Est, notamment dans les pays baltes et en Pologne. Les deux camps justifient leurs actions par le principe de défense. Mais à mesure que les lignes rouges s’estompent, le risque d’un incident non maîtrisé grandit.

Certes, il ne faut pas céder à la panique, ni à la rhétorique alarmiste. Mais l’aveuglement serait bien plus dangereux. Aujourd’hui, le langage de la force prend le pas sur celui de la diplomatie. Pourtant, il n’y a pas d’alternative crédible à la voie du dialogue. L’idée selon laquelle un camp pourrait “gagner” militairement contre l’autre sans pertes colossales est une illusion. Une guerre entre l’OTAN et la Russie ne connaîtrait pas de vainqueur – seulement des ruines, des millions de morts et une planète profondément bouleversée.

Ce scénario cauchemardesque n’est pas inévitable. Mais l’inertie actuelle nous y pousse. Ce qu’il manque cruellement aujourd’hui, c’est une volonté politique forte de part et d’autre pour rouvrir des canaux diplomatiques sérieux. Cela ne signifie pas céder face à l’agression ou renoncer à ses principes, mais reconnaître que la paix durable ne peut venir que de négociations, même entre ennemis. Même pendant la Guerre froide, au plus fort de la tension, les États-Unis et l’URSS maintenaient des lignes de communication ouvertes. Le dialogue n’est pas un signe de faiblesse, mais un acte de responsabilité.

Il faut cesser de penser que l’escalade est inévitable. Elle peut être stoppée. L’Europe, directement exposée en cas de conflit, doit jouer un rôle central pour relancer les initiatives diplomatiques. Des voix comme celle du Secrétaire général de l’ONU, ou de certains leaders européens, doivent se faire entendre plus fort. Il ne s’agit pas de plaider naïvement pour la paix, mais de construire activement les conditions qui l’empêchent de s’effondrer.

Il est aussi essentiel de reconnaître que la sécurité ne peut être pensée uniquement en termes militaires. La véritable sécurité passe par la stabilité politique, économique et humaine. Tant que les peuples seront nourris par la peur, la haine ou la misère, les conflits resteront un terreau fertile. Une nouvelle architecture de sécurité européenne et mondiale, inclusive et équilibrée, doit être mise à l’ordre du jour.

Le moment est critique. Plus nous attendons, plus le dialogue devient difficile, plus les gestes de bonne volonté deviennent rares. Le piège de la surenchère guette. Chaque pays, chaque dirigeant, chaque citoyen a un rôle à jouer. Il faut résister à la tentation de la simplification, refuser les discours manichéens, et rappeler que la paix est une conquête permanente, jamais acquise, toujours fragile.

J.H.

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