contactez-nous au 71 331 000
Abonnement

Éditorial : Trump, les tarifs douaniers et le déclin de l’Occident - Par Jalel HAMROUNI

La décision de Donald Trump d’imposer 30 % de droits de douane sur les produits européens n’est pas simplement une mesure économique protectionniste, elle est l’expression arrogante d’une vision obsolète des rapports internationaux. En un seul geste, l’ancien président américain, redevenu figure dominante du camp républicain, s’en prend à l’Union européenne. Cette posture unilatérale, brutale et provocatrice trahit non seulement un mépris profond pour l’alliance transatlantique, mais révèle aussi le malaise grandissant des puissances occidentales face à un monde en mutation rapide.
D’abord, sur le plan économique, cette décision traduit un repli américain agressif qui risque d’aggraver les tensions commerciales, déjà fragilisées par le précédent mandat Trump. En taxant massivement les produits européens, qu’il s’agisse d’automobiles allemandes, de produits agricoles français ou de technologies scandinaves, Trump tente de protéger une industrie américaine qui peine à se réinventer face à la concurrence asiatique. Mais cette méthode relève davantage du chantage que d’une stratégie industrielle cohérente. En réalité, elle risque de déclencher des mesures de rétorsion de l’UE, relançant une guerre commerciale stérile entre alliés historiques.
Plus grave encore, Trump ne se contente pas d’imposer ses tarifs. Il enrobe son action d’un discours culpabilisateur envers les Européens, les accusant de « faiblesse », d’« attentisme », et d’« inefficacité stratégique » dans un monde dominé par la Chine et la Russie. Ce ton condescendant illustre parfaitement le populisme géopolitique qui alimente sa rhétorique: les alliés ne sont plus des partenaires, mais des fardeaux à surveiller, à tancer, voire à punir. L'Europe, affaiblie par ses divisions internes, son manque d'autonomie militaire, et sa dépendance énergétique, devient une cible facile dans la narrative trumpienne.
Mais Trump ignore, ou feint d’ignorer, que le monde de 2025 n’est plus celui de l’après-guerre froide. Le système mondial est en recomposition. Le Sud global revendique sa place, les BRICS s’organisent, et la multipolarité devient la norme. Face à ces mutations, l’Occident a besoin d’unité, de coopération, de diplomatie. Or Trump, avec ses politiques unilatérales, mine cette cohésion et affaiblit davantage l’influence occidentale. En tournant le dos à l’Europe, il scie la branche sur laquelle repose encore une partie de la puissance américaine : son réseau d’alliés, sa crédibilité internationale, sa capacité à créer des coalitions.
L’Union européenne, quant à elle, se trouve à la croisée des chemins. Les insultes répétées de Trump, ses décisions unilatérales et ses menaces économiques devraient servir d’électrochoc. L’UE ne peut plus se permettre d’être la variable d’ajustement de la politique américaine. Elle doit affirmer son autonomie stratégique, renforcer ses industries clés, investir massivement dans la recherche, la défense et les technologies vertes. Plus que jamais, elle doit se libérer de la tutelle atlantiste qui l’empêche de parler d’une seule voix sur la scène mondiale.
La décision de Trump est aussi révélatrice d’un malaise plus profond : celui du leadership occidental face à l’émergence de nouveaux pôles de puissance. Plutôt que d’adapter ses institutions, de renforcer ses alliances, et de renouveler ses modèles économiques, l’Occident, en particulier sous Trump, préfère le repli, la confrontation et le court-termisme électoral. C’est un aveu d’impuissance déguisé en posture de force. Et c’est là que réside le vrai danger : à force de se croire dominants, les dirigeants occidentaux se retrouvent isolés, dépassés et désavoués.
En fin de compte, l’imposition de ces 30 % de droits de douane à l’Europe n’est pas un simple geste économique. C’est un acte politique, idéologique et civilisationnel. Il traduit le refus obstiné de certains dirigeants de reconnaître que le monde change, que la puissance ne se décrète plus, qu’elle se construit dans l’écoute, le respect et la coopération. Il met en lumière l’essoufflement d’un modèle basé sur la domination et le mépris des autres. L’Europe, si elle veut encore compter, doit répondre avec fermeté, unité et vision. Et non en courbant l’échine face aux coups de menton d’un président nostalgique d’un ordre mondial révolu.

J.H.

Partage
  • 25 Avenue Jean Jaurès 1000 Tunis R.P - TUNIS
  • 71 331 000
  • 71 340 600 / 71 252 869