Par Hassan GHEDIRI
Pendant plusieurs années, l’investissement dans les manufacturières tunisiennes a évolué en dents de scie, traduisant un climat d’incertitude persistant.
Au mois de mai dernier, l’Institut national de la statistique (INS) a mené une enquête d’opinion auprès des chefs d’entreprises privées opérant dans les industries manufacturières. Le sondage qui a touché un peu plus de 1000 industriels a permis de dégager des résultats porteurs d’espoir. Les six premiers mois de 2025 semblent avoir été marqués par un certain frémissement dans la dynamique des investissements qui consolide la tendance observée à la fin de 2024. Ainsi, selon les résultats de l’enquête de l’INS, le « solde d’opinion » s’est établi à +13% au premier semestre avec des perspectives davantage prometteuses pour le second semestre qui affichent un bond attendu à +18%. Il est important de préciser que le « solde d’opinion » est la valeur statistique correspondant à la différence entre le pourcentage d’entrepreneurs qui déclarent une hausse de leurs investissements et ceux qui, en revanche, annoncent un recul. Un solde positif reflète donc un contexte économique favorable contrairement à un solde négatif qui témoigne de l’incertitude et la méfiance. Ainsi, les enquêtes de l’INS dessinent un climat d’optimisme parce que la majorité des chefs d’entreprise interviewés évoquent une dynamique concrète dans leurs branches d’activités.
Depuis le début de l’année en cours, et toujours d’après le sondage de l’INS, les industries mécaniques et électriques, constituant les plus grandes branches de l’industrie manufacturière en Tunisie, affichent une progression notable et montrent des signes de croissance très encourageants pour le reste de l’année, et ce, grâce aux investissements dans la modernisation et à une demande internationale en hausse, constate l’INS dans un bulletin rendu public cette semaine. De même, les industries chimiques bénéficient de nouvelles opportunités, notamment liées à l’export et à l’évolution des besoins dans les marchés étrangers.
Frémissement
Les résultats de l’enquête viennent, en effet, confirmer l’évolution en dents de scie qui caractérise le progrès de l’investissement dans les industries manufacturières en Tunisie au cours des cinq dernières années. C’est par exemple ce qui se dégage de l’enquête menée en 2021 lorsque le solde d’opinion avait atteint +16% au premier semestre avant de s’effondrer rapidement pour se situer à +5% au début de 2022 pour ensuite s’étrangler davantage au premier semestre de 2023 quand le solde est tombé à +1%. Puis, en 2024, les enquêtes de l’INS ont fait ressortir un frémissement dans les industries manufacturières en Tunisie avec des investissements qui commencent à prendre du poil à la bête se reflétant à travers l’opinion des industriels qui ont fait montre d’un optimisme remarquable et un engagement à investir mesurés par un solde d’opinion qui a atteint +17% à la fin de l’année passée.
La reprise de la dynamique industrielle reste cependant contrastée avec notamment des industries textiles-habillement et du cuir qui n’arrivent toujours pas à s’inscrire dans une dynamique de relance à cause du manque de compétitivité et de la grande concurrence internationale surtout des produits asiatiques. Quant aux industries des matériaux de construction, de la céramique et du verre, elles montrent par contre une certaine résilience, même si leurs perspectives pour la fin de l’année restent incertaines. Pour dire que la reprise est réelle, mais elle ne profite pas à tous les acteurs du tissu industriel tunisien. Si cette nouvelle enquête de l’INS témoigne d’un regain de confiance, elle rappelle également que l’optimisme affiché demeure fragile. Certains experts pensent d’ailleurs que l’embellie affichée par cette enquête n’a pas de lendemain en l’absence de réformes administratives, fiscales indispensables en plus d’un véritable engagement de l’Etat à investir dans la modernisation des infrastructures.
H.G.