Par Imen ABDERRAHMANI
Enfant du désert. Mondher Ben Brahim a choisi pour son nouveau court-métrage de raconter le Sahara tunisien, en explorant la mémoire de trois étudiants tunisiens, qui dans les années 80, ont été condamnés à l’exercice militaire forcé à Rjim Maatoug.
L’histoire racontée n’est ni des illusions ni des hallucinations, comme l’indique le tire du film. L’histoire de ces trois étudiants perdus dans le désert est une de nombreuses histoires dont le scénariste et le réalisateur Mondher Brahim a été témoin.
Né dans le désert, précisément à Rjim Maatoug, région située aux portes du désert et aux frontières de l’Algérie, Mondher Ben Brahim, enfant, s’est familiarisé avec la scène de cette jeep militaire qui poursuit, jour ou nuit, l’un des fugitifs du camp militaire de Rjim Maatoug. Enfant, alors que la plantation des palmiers-dattiers se poursuivait et la transformation de cette région déserte et coupée en un oasis, le réalisateur avait enregistré dans sa mémoire de nombreuses scènes et histoires. Des histoires que les quelques familles qui habitaient, à l’époque, la région échangeaient sur les nouveaux recrues de l’armée nationale, sur lesquels on comptait pour faire de cette zone un petit paradis, et qui tentaient très souvent de s’évader.
Au-delà des résultats positifs enregistrés à Rjim Maatoug et des efforts déployés pour faire fleurir cette partie du désert, devenue aujourd’hui une zone verte, produisant des légumes, des fruits et même de l’huile d’olive, il y a tant d’histoires à raconter, à partager… Rjim Maatoug n’a pas encore révélé tous ses secrets et ceux qui ont été là, à cette période, n’ont pas encore sorti de leur silence…
En quête de liberté…
« Mirage » est-il un film politique ? Jamais. Alors, un film écologique ? Encore non plus. « Mirage » est tout simplement l’histoire de trois étudiants Jamel, Helmi et Salem de différente appartenance politique, de diverses idéologies, qui se sont retrouvés dans l’obligation de partager la même tente, la même assiette, à obéir aux ordres, à passer le jour à fixer des feuilles des palmes sur les dunes et le soir à surveiller les pousses des palmiers…
Coupés de leurs familles, chacun d’eux rêve du jour où il pourrait reprendre sa vie loin du désert, tranquillement, et surtout poursuivre ses études universitaires.
Tourné fin avril, le film actuellement en post-production, propose une galerie de portraits à la fois des étudiants et des militaires qui ont été tous dans cette grande prison à ciel ouvert. Le film est également un portrait du Sahara, de ce désert qui a vu tant de rêves s’évaporer, tant de vies se briser et qui a été arrosé par les larmes…
Jamel, Helmi et Salem qui viennent de trois différentes villes tunisiennes (Kébili, Béja et Tunis) et également qui sont porteurs de différentes idéologies ont choisi de poursuivre leur rêve jusqu’au bout et de risquer leurs vies, quittant le camp et tentant de traverser ce désert à multiples visages, affrontant les vipères, les loups… Perdus dans le désert, le désaccord s’installe et cette union qui fait la force s’est évaporée avec les dernières gouttelettes d’eau qu’avaient ces trois fugitifs… « Le plus difficile, dans le désert, c’est de trouver la sortie », disait un sage.
Porté par le rêve de liberté, Helmi a tenté de traverser Chott El- Jérid mais il a échoué pour mourir de soif. Quant au Salem, craintif, peureux, il décide de s’arrêter et attendre que la patrouille militaire le trouve pour le ramener de nouveau au camp…Seul Jamel parvient à son objectif.
Pour Mondher Ben Brahim, « Mirage » raconte l’homme dans le désert, face au désert… Le film s’inscrit dans toute une stratégie tracée par le réalisateur pour raconter le désert non seulement en tant qu’espace poétique mais en tant que théâtre de plusieurs histoires et aventures humaines.
I.A.