Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Malgré une tendance à la hausse au niveau des prix, les voitures se vendent bien en Tunisie avec quelque 70 mille nouveaux véhicules immatriculés jusqu’à septembre 2025. Comment expliquer ce paradoxe ?
Les chiffres avancés par le spécialiste Anouar Ben Ammar montrent que le marché automobile se porte bien en Tunisie. En effet, selon Ben Ammar, le marché des voitures neuves a enregistré une nette progression jusqu’à fin septembre 2025, avec environ 47 300 immatriculations et 22 000 réenregistrements, soit près de 70 000 véhicules au total.
Pour rappel, seulement 57000 véhicules avaient été enregistrés à la même période l’année dernière. « Décidément, la flambée des prix et la complexité du régime fiscal appliqué au secteur automobile n’ont pas affecté le marché», nous dira l’expert en économie et en finance, Mohamed Salah Jennadi.
Les experts jugent, justement, excessive cette pression fiscale. Toujours selon Ben Ammar : «Pour une voiture coûtant 100 000 dinars, au moins 50 000 dinars vont directement au fisc sous forme de droit de consommation, de TVA et d’impôt sur les sociétés. Résultat : cette taxation excessive freine l’accès à la voiture neuve et alimente le marché parallèle et les importations d’occasion».
Pour l’expert en économie et en finance, Mohamed Salah Jennadi : « Pis encore, la non-soumise des importations de véhicules d’occasion sous le régime FCR (Franchise douanière pour les Tunisiens résidant à l’étranger) aux mêmes conditions fiscales ni réglementaires que celles vendues localement est à l’origine d’une distorsion de la concurrence au détriment des concessionnaires tunisiens ».
Pour le président de la chambre nationale des constructeurs et des concessionnaires automobiles, Ibrahim Dabbach : «La hausse des prix des véhicules est due également à plusieurs facteurs : la dépréciation du dinar tunisien entre 2011 et 2018, une augmentation de 25 % de la taxe sur la consommation, la hausse de la TVA de 17 % à 19 %, ainsi que la flambée des prix sur les marchés internationaux ». Et pourtant, les Tunisiens continuent à acheter des voitures malgré la flambée des prix et de la taxation excessive. Comment, alors, expliquer ce pardoxe?
Un système défaillant …
L’un des secteurs les plus défaillants en Tunisie est certainement celui du transport public. Pour l’activiste Salem Chérif : « En plus d’une flotte épuisée et vieillissante, on n’est jamais sûr de voir un bus ou un métro arriver à temps. Idem pour la sécurité aussi bien routière que civique. Trop d’accidents et d’incivilités qui contraignent les usagers à opter pour d’autres moyens de transport comme le taxi.
C’est ce qui explique, aussi, la ruée des Tunisiens vers le marché automobile pour acheter une voiture neuve ou d’occasion et ce malgré la flambée des prix ». Et d’ajouter: « La Tunisie reste l’un des pays les plus chers au monde pour les prix des voitures, ce qui explique les ventes modestes enregistrées chaque année.
Pour rappel, nous sommes classés au dernier rang au niveau arabe derrière des pays comme la Mauritanie. L’autre problème réside en le parc automobile lui-même qui est composé de voitures en majorité anciennes.
Selon, en effet, le président de la Chambre des concessionnaires et fabricants automobiles, Ibrahim Dabbache, la moitié du parc automobile en Tunisie a plus de 15 ans, estimant que l’importation de voitures d’occasion contribue à une consommation accrue de pièces de rechange ainsi qu’à une augmentation de la pollution environnementale. Face aux prix exorbitants des voitures neuves, les Tunisiens ne renouvellent pas leurs voitures et préfèrent les entretenir.
Cela a évidemment un coût en pièces détachées que nous importons et, donc, de la devise que nous gaspillions au lieu de l’orienter vers d’autres besoins vitaux comme les médicaments ».
M.B.S.M.

