Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
La réunion du bureau exécutif élargi de l’UGTT tenue avant-hier à Tunis a examiné les préparatifs des prochaines échéances sociales et syndicales. La Centrale syndicale cherche-t-elle à profiter des dernières tensions sociales pour mettre la pression sur le gouvernement ?
En saluant le succès du syndicat régional de Gabès dans l’organisation et l’encadrement de la grève générale récemment tenue dans la région, considérée comme une étape importante dans la lutte pour la justice sociale et environnementale, le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Taboubi, a tenu également lors de la réunion du bureau exécutif élargi de mercredi dernier à rappeler que les préparatifs vont bon train pour réussir les prochaines échéances sociales et syndicales.
La Centrale syndicale cherche-t-elle à profiter des dernières tensions sociales pour mettre la pression sur le gouvernement ?
Pour le juriste Salem Chérif : « Il est évident que la crise écologique qui secoue actuellement la région de Gabès survient au bon moment pour l’Union générale tunisienne du travail qui cherche à se repositionner sur l’échiquier aussi politique que syndical.
En perte de vitesse et perdant, en effet, beaucoup de sa popularité auprès de l’opinion publique, l’organisation syndicale est à la recherche d’une sortie de sa crise qui perdure depuis la tenue des deux congrès de Sousse et de Sfax et l’amendement de ce fameux article 20 ayant permis à l’actuel bureau exécutif de prolonger son mandat. Pis encore, c’est au sein de ce même bureau exécutif controversé que les divergences ont éclaté.
Le groupe dit des «dix» croise le fer avec le groupe dit des «cinq», au sein du même bureau exécutif, tandis que l’opposition syndicale part en guerre contre les deux camps. Jamais, en effet, la Centrale syndicale n’a connu un tel conflit et de telles divergences. Alors, lorsqu’un conflit social éclate, c’est une aubaine pour le bureau exécutif… ».
Escalade …
Mehdi Mabrouk, professeur de sociologie à l’Université de Tunis, estimait en 2024 que « l’appel du dirigeant syndical, Anwar Ben Kaddour, montre à quel point la crise interne est grave, touchant toutes les structures dirigeantes de l'Organisation, du Bureau exécutif au Conseil national ».
D’après lui, « le blocage est dû à l’absence de consensus entre les membres, certains réclamant une autocritique et un repositionnement face au pouvoir ».
Mabrouk ajoutait que « l’UGTT est désormais marginalisée, en raison des divisions internes mais aussi parce que le président de la République, Kais Saied, ne croit pas aux corps intermédiaires comme les partis ou les syndicats ». « C’est dire à quel point la crise au sein de l’organisation syndicale est persistante et seule l’escalade et la fuite en avant peuvent sauver l’actuel bureau exécutif », estime l’universitaire Salem Chèrif.
Et d’ajouter : « On doit s’attendre, alors, dans la période à venir à une vague de mouvements sociaux dans les secteurs clés comme l’enseignement, la santé et le transport. Aussi, il faut s’attendre à une nouvelle escalade à caractère social à chaque fois qu’une région ou un secteur montre des signes de mécontentements.
Des scénarios qui ont pour objectif de mettre la pression sur le gouvernement pour faire sortir le bureau exécutif de l’Union générale tunisienne du travail
de son isolement. Or la sagesse veut que l’UGTT doit rapidement résoudre ses conflits internes, notamment en rétablissant un fonctionnement démocratique et transparent tout en insistant également sur la nécessité de redéfinir son rôle en Tunisie, en tant que défenseur des travailleurs et acteur clé du dialogue social ».
M.B.S.M.

