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Editorial : Z comme Zorro…

Par Chokri Baccouche

Son nom il le signe à la pointe de l’épée, d’un Z qui veut dire Zorro : ceux qui sont nés durant les années cinquante du siècle dernier se rappellent certainement de ce refrain, fredonné par de nombreuses générations et tiré du générique de la célèbre série télévisée de Disney  «Zorro». Zorro qui signifie renard en espagnol est ce justicier masqué qui combat le crime et protège les faibles et les opprimés en Californie au début du 19è siècle sous les traits de Don Diego de la Vega, un riche aristocrate.

Aussi troublant que cela puisse paraitre et on se demande d’ailleurs s’il s’agit d’un simple hasard, la lettre Z est souvent associée à la lutte contre l’injustice comme le prouve d’ailleurs « Z », le titre d’un film à succès de Costa Gavras sorti en 1962 qui relate les péripéties rocambolesques liées à l'assassinat d'un homme politique de gauche et l'enquête qui suit pour découvrir la corruption et les abus de pouvoir au sein des autorités.

De nos jours, la dernière lettre de l’alphabet latin fait toujours parler d’elle dans le même registre. Elle incarne en effet le cri de colère et de ralliement d’une jeunesse marginalisée qui se soulève depuis quelque temps un peu partout dans le monde et plus particulièrement dans les pays en développement, malmenant des gouvernements et provoquant des chutes de régime dont le dernier en date est celui de l’ancien président malgache, Andry Rajoelina, qui a fui le pays il y a quelque jours.

On l’aura certainement deviné, il s’agit de la « Génération Z », ce mouvement juvénile révolutionnaire qui  accapare les feux de l’actualité internationale ces derniers temps de la manière la plus bruyante et spectaculaire. Inspiré d’un célèbre manga japonais représentant un groupe de parias luttant contre un régime corrompu et oppressif, ce mouvement est à l’origine des manifestations monstres et des troubles qui ont secoué récemment le Népal, le Maroc, l’Indonésie et le Pérou.

La génération  Z incarne donc le cri de colère et de détresse d’une jeunesse internationale désespérée, laissée pour compte, et laminée par un chômage endémique. Une jeunesse désabusée et sans perspective qui se rebiffe contre des systèmes corrompus et un partage inégal des richesses détenues, dans l’écrasante majorité des pays,  riches ou pauvres, par une minorité infime qui affiche de manière ostentatoire son opulence.

Elle est l’expression du dégoût et de l’exaspération profonde de cette masse juvénile qui cherche à s’imposer, en désespoir de cause, en tant que force de changement pour faire entendre sa voix et sortir du cercle vicieux de l’indigence et de la misère.

Cette jeunesse qui se révolte aujourd’hui est en fait la victime expiatoire des mauvaises gouvernances mais également de la mondialisation régie par un système international ultra libéral qui s’est développé au détriment des populations les plus vulnérables. A trop tirer sur la corde, elle finit forcément par se casser à la fin. La marmite internationale chauffe dangereusement dans un monde aux abois qui traine de plus en plus ses heurts et malheurs comme Sisyphe son rocher.

Un monde livré aux vents des guerres et de la brutalité, des inégalités sociales, des injustices et de la corruption qui prend des dimensions planétaires. Le gap qui sépare la minorité des nababs qui accaparent selon de sérieuses études plus de 80% des richesses mondiales et la majorité des pauvres se mesure aujourd’hui en années lumière.

Les conflits d’intérêts dans certains pays où la classe dirigeante détient les clefs d’une économie parallèle dans l’économie institutionnelle et officielle atteignent des proportions alarmantes. Dans ces pays où la misère de la masse populaire fait des siennes, les pouvoirs en place sont à la fois juges et avocats et soufflent le chaud et le froid

Ils tiennent sous leur coupe en règle et à titre strictement personnel les entreprises les plus juteuses et les exploitations agricoles les plus florissantes et rentables, ne laissant que des miettes pour le restant de la population. Ce qui était valable hier, l’est certainement aujourd’hui et peut-être même davantage.

La raison en est que la voracité conduit inévitablement au cercle vicieux de  l’accoutumance : plus on en a, plus on en veut. Une voracité aveugle dont on mesure aujourd’hui les effets pervers à travers ces révoltes populaires juvéniles qui pourraient avoir un effet domino et se transformer, si rien n’est fait pour porter assistance à cette jeunesse marginalisée, en un mouvement de révolte internationale aux conséquences incertaines pour la paix sociale et la stabilité dans de nombreux pays.

Le chômage, la pauvreté, l’absence de perspectives et les injustices sociales, on le sait, sont le terreau fertile et le combustible pouvant alimenter et nourrir les appréhensions et le désespoir.

En cela, et beaucoup plus qu’un cri de colère, le mouvement fracassant de la Génération Z constitue à bien des égards une véritable sonnette d’alarme que les dirigeants de la planète ont tout intérêt à ne pas occulter afin d’éviter  la fâcheuse perspective d’un changement funeste qui risque de s’opérer à la manière du justicier masqué…

C.B.

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