Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Une enquête est actuellement en cours portant sur des financements étrangers occultes au profit d’associations et ONG tunisiennes. Comment, justement, sont acheminés ces financements et ont-ils échappé au contrôle de la Banque centrale de Tunisie et la CTAF ?
Selon le site du journal Al Chourouk, le ministère public a ordonné l’ouverture d’une enquête judiciaire contre des dizaines d’associations et autres ONG tunisiennes ayant reçu des financements occultes émanant en grande partie de la Fondation Open Society de l’homme d’affaires George Soros.
L’Unité centrale de la Grade nationale de l’Aouina et la Direction de la police judiciaire d’El Gorjani ont été chargées de mener cette enquête qui vise une centaine d’associations et ONG tunisiennes.
Selon l’expert en économie et en finance, Mohamed Salah Jennadi : « L’étude élaborée par le centre Ifada affirme que 29% du tissu associatif n’a pas de comptes courants bancaires ou postaux, contre 11% jugées correctes et transparentes sur le plan comptable. Cela confirme que le financement de la grande partie des associations et des ONG est flou et ambigu.
Un autre rapport, corroboré par l’Instance supérieure indépendante pour les élections (ISIE) et la Haute instance indépendante de la communication audio-visuelle (HAICA), indique également que la contribution financière d’ONG étrangères au profit de leurs homologues tunisiennes est passée de 4,7 millions de dinars en 2012 à 37 milliards de nos millimes en 2019».
Et d’ajouter : « En 2023, les autorités judicaires et sécuritaires ont fait état de l’existence de 272 associations sur lesquelles pèsent des soupçons autour de leurs sources de financement et de leurs fonds. 182 d’entre elles ont été immédiatement dissoutes alors que des poursuites judiciaires sont toujours engagées sur les autres ». Comment, justement, sont acheminés ces financements occultes et ont-ils échappé au contrôle de la Banque centrale de Tunisie et de la Commission tunisienne des analyses financières (CTAF) ?
Hors-la-loi …
Le Haut comité du contrôle administratif et financier (HCCAF) a, à son tour, publié son 29e rapport annuel pour l’année 2023. Ce rapport relayé par l’agence TAP, et consacré au financement étranger des associations opérant en Tunisie, fait état de l’existence de quatre associations de « bienfaisance » classées « suspectes » par le Secrétariat général du gouvernement qui ont continué à recevoir des fonds de source étrangère d’un montant de 23,9 millions de dinars.
Ce montant vient s’ajouter aux 27,7 millions de dinars qu’elles avaient reçus auparavant, essentiellement du Qatar, du Koweït et de la Turquie au cours de la période 2012 – 2019. « Pis encore, le rapport souligne également qu’il y a des associations tunisiennes qui ont effectivement obtenu des financements directs provenant des ambassades établies en Tunisie en usant de moyens détournés à l’insue du contrôle de l’intermédiaire officiel, en l’occurrence le ministère des Affaires étrangères », nous dira l’expert en économie et finance, Mohamed Salah Jennadi.
L’expert précise également que selon ce rapport : « 566 associations sur 1005 ont manifestement violé l’obligation de lever les irrégularités commises en matière de réception de fonds étrangers au cours de la période 2014-2019. Il s’agit-là d’une obstination délibérée à refuser de se plier à la loi malgré les incessantes notifications adressées par le secrétariat général du gouvernement ».
Jennadi estime, alors, que « la révision en profondeur du cadre juridique régissant les associations dans le cadre d’une approche participative inclusive et la mise sur pied d’un système de contrôle et de suivi plus efficace du financement étranger des associations devient une urgence ». Pour rappel, le gouvernement tunisien a, en 2024, adopté un projet de loi encadrant la création et le financement des associations.
M.B.S.M.

