Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Les incidents survenus à Gabès ont montré combien politique et environnement sont liés et peuvent même donner lieu à des tensions sociales. Que faire pour apaiser ces tensions et ouvrir la voix vers des solutions durables?
La situation environnementale alarmante dans la région de Gabès, où les habitants protestent depuis plusieurs jours contre les émanations toxiques du complexe chimique, a été au centre de la réunion du président de la République avec le président de l’Assemblée des représentants du peuple et le président du Conseil national des régions et des districts. Le chef de l'Etat a réaffirmé suivre personnellement l’évolution des événements, soulignant que « la crise ne peut être réglée selon des approches classiques ».
Le président de la République a, en outre, précisé que le gouvernement œuvre à mettre en place des solutions immédiates pour limiter la pollution, dans l’attente d’une stratégie nationale globale, qui s’étendra à toutes les régions du pays.
Selon, en effet, les observateurs, cette crise montre bien combien politique et environnement sont liés et peuvent mener à des tensions sociales d'où l'urgence de trouver des solutions rapides et efficaces de nature à ouvrir la voix vers un modèle économique durable.
Pour l'activiste Anis Hlel: "Les crises liées à l'environnement se sont multipliées tout au long de ces dernières décennies, et ce, dans le monde entier. Cela confirme que les populations qui sont conscientes des enjeux environnementaux revendiquent au passage des politiques publiques adaptées à leurs aspirations de vivre dans des environnements sains et propres. La Tunisie fait partie aujourd'hui de ces pays touchés par la pollution et il est temps de se pencher sur cette question d'une manière fiable et durable en favorisant un modèle économique vert". Que faire justement pour apaiser ces tensions et ouvrir la voie vers des solutions durables ?
De l’huile sur le feu…
En 2022, Maya Jegen, professeure au Département de science politique de l’Université du Québec, avait écrit un livre intitulé ‘’L'Etat face à la crise environnementale’’ dans lequel elle s’est penchée sur le rôle des gouvernements dans la protection de l’environnement. Et c’est justement la question à laquelle fait face aujourd’hui le gouvernement tunisien dans cette crise de Gabès, « Il faut reconnaitre que nous sommes en présence d’une crise historique écologique et sociale sans précédent. La question est alors : comment la politique va accompagner la transition qui semble indispensable ? », s’interroge l’activiste Anis Hlel.
Et d’ajouter : « Cette crise nous offre l’occasion de nous pencher sur des solutions globales qui doivent être au cœur des politiques publiques en Tunisie. Au niveau juridique, il faut compléter et renforcer le cadre réglementaire, promulguer le code de l’environnement, la loi relative à la prévention des sites contaminés, amender le décret relatif à l’étude d’impacts environnementaux, réviser à la hausse le seuil de sanctions relatives aux crimes environnementales, notamment en ce qui concerne la pollution marine, élaborer une loi-cadre sur la biodiversité, élaborer une loi sur les risques biologiques, instaurer des plans de préservation de la qualité de l’air dans les régions les plus exposées à la pollution atmosphérique et réactiver les travaux de la commission nationale du développement durable sous l’égide de la présidence du gouvernement.
En pratique, il est urgent d’atténuer la pollution de l’air générée par les activités industrielles et urbaines et réduire les gaz à effet de serre dus au secteur du transport, préserver les terres et les protéger contre l’érosion et la pollution et la création d’un réseau national de surveillance de la qualité des sols, préserver la biodiversité par l’atténuation des pressions et menaces imposées aux écosystèmes et promouvoir l’utilisation rationnelle et durable de ses produits et fonctions, renforcer l’adaptation des écosystèmes et des ressources aux changements climatiques, préserver et sauvegarder le littoral, les écosystèmes maritimes et les ressources marines. Améliorer la gouvernance des espaces maritimes et côtiers et renforcer la création des espaces verts et des réserves naturelles ».
M.B.S.M.