Par Chokri Baccouche
Qu’ils soient riches, émergents ou pauvres, l’écrasante majorité des pays dans le monde sont endettés jusqu’au cou. Pour combler leurs déficits budgétaires chroniques, ces Etats sont obligés de contracter des crédits auprès des institutions financières internationales et supporter ainsi les charges de plus en plus lourdes des services de la dette. Le dernier rapport du FMI nous apprend un bout à ce sujet et dresse un constat alarmant. L’alerte à la dette continue en effet de retentir pour toutes les puissances mondiales, y compris les pays émergents. La dette publique mondiale augmentera de 2,8% cette année, soit plus du double des estimations pour 2024, prédisent les experts du Fonds monétaire international. Si la tendance à la hausse continue de prévaloir, une dette équivalente à 100% du PIB est fort probable d’ici la fin de la décennie, estiment-ils.
Jamais depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, la planète n’a connu une telle explosion de la dette. La récession qui frappe de plein fouet l’économie mondiale est certainement passée par-là. Celle-ci s’est davantage aggravée par la crise sanitaire du Covid-19 qui a mis à mal pratiquement toutes les économies à des degrés variables. Le classement 2025 actualisé des pays dont le ratio dette/PIB est le plus élevé présente un mélange d’Etats dits développés et de pays plus pauvres. Avec une dette colossale de 252%, le Soudan est largement en tête de ce hit-parade. Il est talonné par le Japon (234,9%), Singapour (174%), la Grèce (142,2%), Bahreïn (141,4%), les Maldives (140%), l’Italie (137,3%), les Etats-Unis (122,5%), la France (116,3%) et le Canada (112,5%). Avec une dette de 85% du PIB, la Tunisie occupe une place dans le ventre mou de ce classement et peut s’estimer par conséquent «heureuse» quoiqu’on le dise en comparaison avec les pays les plus endettés dans le monde.
On l’aura certainement compris, c’est la galère qui prévaut actuellement sur la planète. La dette mondiale est devenue encore plus obèse que le bonhomme Michelin. La plupart des pays vivent à crédit et consacrent plus d’argent au paiement des intérêts qu’à la santé ou l’éducation. Cette spirale infernale génère bien évidemment des tensions sociales dans la mesure où les gouvernants sont obligés de prendre des mesures antisociales dans l’espoir de maintenir la barque à flot, chose qui n’est pas du tout évidente. Le problème, c’est que les perspectives ne s’annoncent pas de tout repos et on peut même dire que la situation va de mal en pis. A la récession économique sévère qui perdure depuis des années, il faudrait ajouter en effet la guerre commerciale déclenchée récemment par l’Amérique de Trump qui risque de compliquer encore plus la situation. La politique hyper protectionniste du locataire de la Maison Blanche va inévitablement impacter les économies du village planétaire et provoquer des remous profonds et des bouleversements majeurs de la carte économique mondiale. Les pays les plus vulnérables vont malheureusement subir plus que les autres les effets pervers de ce tsunami commercial et seront obligés, par conséquent, de s’endetter encore plus pour se tirer d’affaire. Résultat des courses, ils ne sont pas près de sortir de sitôt de l’auberge et de quitter les bas fonds de la pauvreté et du sous-développement.
Lorsqu’il atteint des niveaux aussi élevés, comme c’est le cas actuellement, l’endettement public peut avoir des répercussions significatives sur la stabilité économique et potentiellement sur la paix mondiale. Une dette publique excessive peut entraîner, en effet, une instabilité financière, des crises économiques, des tensions sociales et même des conflits géopolitiques. La situation, pas du tout rassurante du reste, qui prévaut actuellement dans le monde confirme malheureusement ce constat. L’endettement pousse en effet les puissances prédatrices à trouver des solutions urgentes à leurs problèmes par tous les moyens, quitte en cela à inventer des guerres sous des prétextes fallacieux dans l’objectif inavoué mais clair de contrôler un pays ou une région riche en ressources énergétiques. La politique du fait accompli de Trump qui a réussi récemment à soutirer plusieurs billions de dollars des riches monarchies du Golfe s’inscrit dans ce même cadre. Quand les puissants ont un besoin vital d’argent pour sortir leur pays de la mauvaise passe ou pour servir leurs intérêts personnels, ils n’hésitent pas à racketter les plus faibles. Sans scrupule et sans aucun état d’âme. Surtout si leurs victimes sont plaines aux as. Ce qui était valable il y a des siècles, l’est certainement aujourd’hui et peut-être même davantage. Ça passe à la caisse, de gré si possible, par la force ou l’intimidation si nécessaire, ou ça casse. Les émirs ou les Raïs récalcitrants risquent de se retrouver sur un siège éjectable si d’aventure ils rechignent à se conformer aux ordres de leur maître à penser…
C.B.