Par Hassan GHEDIRI
Eh oui, c’est déjà bientôt deux ans depuis qu’a été organisée la consultation nationale sur la réforme du système éducatif en Tunisie. Cette enquête de grande envergure, menée par voie électronique du 15 septembre au 15 décembre 2023 et destinée à recueillir les opinions, les attentes et les critiques des différents acteurs intervenant directement ou indirectement dans l’opération éducative, garde encore tous ses secrets. Il sera d’ailleurs difficile et complètement impensable de voir des éléments de réforme se mettre en œuvre à l’entame de la prochaine année scolaire.
Lors d’une très récente audition à l’ARP, le ministre de l’Education a fait avoir que les commissions qui se sont penchées durant tous ces deniers mois sur les résultats de la consultation ont parachevé leur mission. Un rapport récapitulant l’ensemble des recommandations a été, selon lui, édité et remis au Conseil supérieur de l’éducation et de l’enseignement, nouvellement créé par la présidence de la république, pour décider des orientations à engager. Ladite consultation à laquelle auraient participé un peu plus de 580 mille personnes, d’après les chiffres officiels, se veut, selon ses initiateurs, un outil d’identification des défaillances du système éducatif tunisien et en même temps une opportunité de rectification et de reconstruction selon une approche participative, ambitieuse et inclusive qui répond aux nouveaux besoins nationaux et qui revalorise les principes du mérite et de l’égalité des chances.
Après tous ces longs mois, l’on peut toutefois juger sans pour autant sous-estimer les efforts consentis, qu’il est quand même absurde de ne pas toujours voir l’autorité de tutelle dévoiler les principales évaluations sur lesquelles vont être bâties les réformes. S’agissant d’une question d’une importance capitale et hautement stratégique pour des millions d’élèves, étudiants et leurs familles ainsi que pour l’avenir de plusieurs générations futures, toute réforme de l’éducation se trouve désormais terriblement confrontée à une réalité sociale, économique et technologique en perpétuelle transformation. En fait, ce n’est ni l’expertise, ni les compétences qui ont manqué jusque-là, mais la volonté d’engager un processus transformateur capable de replacer l’école tunisienne au centre d’un modèle de développement tourné vers l’avenir. Tous les acteurs impliqués dans l’opération éducative en Tunisie attendent donc que soient dévoilées des orientations claires, cohérentes et futuristes qui ne risquent pas d’être aussitôt rendues désuètes par les progrès vertigineux que vit le monde.
La réforme de l’éduction que l’Etat compte bientôt mettre en œuvre doit absolument posséder les gènes du changement dans son ADN. C’est-à-dire doter l’Ecole tunisienne des atouts qui lui permettent de se métamorphoser pour s’adapter constamment à une réalité qui peut nous sembler, à première vue, familière, mais au sein de laquelle apparaissent, sans cesse, de nouveaux besoins et défis. Le hic c’est que plus de vingt ans après la dernière réforme d’envergure, l’on se trouve en face à un système éducatif qui marche à deux vitesses. D’un côté, un enseignement privé qui attire de plus en plus de familles en quête de qualité, malgré un coût parfois exorbitant. Et de l’autre côté, une école publique presque abandonnée, désorganisée et sous-équipée. Un déséquilibre flagrant qui menace directement le principe d’égalité des chances et creuse un fossé social aux conséquences incalculables. En même temps, l’école s’expose à des bouleversements majeurs qui transforment le monde. Ridicule sera alors la réforme si elle manque de s’intégrer dans les mutations générées par l’intelligence artificielle, la digitalisation, l’automatisation et les nouveaux métiers qui émergent. L’école tunisienne ne peut rester figée pendant que tout change autour d’elle. L’Etat doit anticiper et contribuer à ces transformations plutôt que les subir. Si la réforme qui se profile veut être à la hauteur de tous ces enjeux, elle doit impérativement corriger les inégalités en replaçant l’école publique au centre du projet de développement promis. En l’équipant, en la modernisant, en la connectant. C’est ainsi que l’Ecole tunisienne redeviendra un véritable levier d’ascension sociale, un moteur d’émancipation et une locomotive de progrès pour tout le pays.
H.G.