Le monde assiste à une mutation géopolitique d'une ampleur inédite depuis la fin de la Guerre froide. La guerre latente entre l’Iran et l’entité sioniste, avec l’ombre omniprésente des États-Unis, ne se limite pas à un simple conflit régional : elle est le théâtre visible d’un affrontement plus profond entre deux visions du monde. D’un côté, l’Occident, mené par Washington, accompagné inconditionnellement par Israël ; de l’autre, un bloc émergent où Moscou et Pékin se posent en défenseurs d’un équilibre multipolaire. Dans ce contexte, il est de plus en plus évident que ni la Russie ni la Chine ne comptent abandonner l’Iran. Au contraire, leur soutien s’inscrit dans une logique stratégique plus vaste, celle d’un nouvel ordre mondial en gestation.
Loin d’un simple alignement idéologique, la convergence entre l’Iran, la Chine et la Russie est dictée par une lecture commune des enjeux géopolitiques contemporains. L’Iran, cible de sanctions asphyxiantes, de campagnes de déstabilisation et d’attaques israéliennes répétées, s’inscrit comme le front avancé de la résistance à l’hégémonie américaine. Ce positionnement en fait un partenaire naturel pour Pékin et Moscou, qui cherchent, chacun à sa manière, à limiter l’influence américaine en Eurasie et au Moyen-Orient.
La Russie, déjà engagée militairement en Syrie pour défendre ses intérêts et son allié Assad, voit dans l’Iran un acteur clé pour contenir l’expansion atlantiste à ses frontières sud. Quant à la Chine, son initiative pharaonique des Nouvelles Routes de la Soie (BRI) passe nécessairement par la stabilité de la région, et donc par un Iran fort et souverain. En outre, Pékin a récemment signé un accord stratégique de 25 ans avec Téhéran, impliquant des investissements massifs dans les secteurs énergétiques et des infrastructures.
L’un des éléments centraux de ce partenariat est l’énergie. L’Iran dispose des quatrièmes réserves mondiales de pétrole et des deuxièmes de gaz. Un Iran affaibli ou sous tutelle occidentale représenterait une menace directe pour la sécurité énergétique de la Chine et un revers pour les ambitions énergétiques de la Russie. C’est pourquoi les deux puissances font tout pour protéger leur allié perse.
La livraison de technologies militaires, les exercices conjoints en mer d’Oman, les coopérations satellitaires et les échanges de renseignements sont autant de signaux clairs envoyés à Washington et Tel-Aviv : l’Iran n’est plus isolé. Il est désormais un nœud stratégique dans l’architecture du contre-pouvoir mondial.
Face à l’unilatéralisme américain, la Russie et la Chine ont théorisé et concrétisé la notion de multipolarité. Il ne s’agit plus simplement de résister, mais de bâtir une alternative. L’Iran joue ici un rôle clé. Non seulement il est au croisement de plusieurs routes commerciales vitales, mais il est aussi un symbole de résilience face aux tentatives d’imposition de régimes fantoches par l’Occident.
Le soutien de Moscou et de Pékin n’est donc pas seulement tactique : il est stratégique et doctrinal. En aidant l’Iran, ces puissances veulent démontrer qu’aucun État n’est condamné à la soumission. Elles veulent offrir aux pays du Sud global un nouveau modèle de coopération, basé non sur la dépendance, mais sur la souveraineté, le respect mutuel et l’échange équitable.
Ce soutien international n’est pas sans conséquence. Il affaiblit la dissuasion occidentale et réduit la marge de manœuvre des États-Unis et de l’entité sioniste. Chaque frappe contre l’Iran peut désormais entraîner une escalade régionale, voire mondiale. Car frapper l’Iran, c’est risquer de heurter indirectement les intérêts russes et chinois.
La polarisation s’accélère. Les BRICS s’élargissent, les devises alternatives au dollar se multiplient, les forums internationaux échappent de plus en plus au monopole occidental. Le conflit au Moyen-Orient devient ainsi le miroir d’un monde en recomposition : un monde où les alliances ne sont plus dictées par la peur ou la dépendance, mais par la convergence des intérêts.
Alors que l’Occident continue de défendre coûte que coûte l’impunité israélienne et cherche à étrangler la souveraineté iranienne, la Chine et la Russie s’imposent comme les garants d’un nouvel équilibre mondial. Leur soutien à Téhéran n’est pas un caprice géopolitique, mais l’expression d’une volonté plus vaste : faire tomber l’ordre unipolaire établi après la chute de l’URSS. L’Iran, de par sa résilience et sa position stratégique, est désormais l’un des piliers de cette nouvelle architecture. L’histoire s’écrit à Téhéran, à Moscou et à Pékin autant qu’à Washington et Tel-Aviv. Le monde change et l’axe de la résistance s’affirme comme l’un des pôles de ce futur multipolaire.
J.H.