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Plus de plafond pour le paiement en espèces … - Que risque la Tunisie ?

Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI

L'adoption de l’article 54 du PLF 2026 lié à la suppression des restrictions sur les paiements en espèces inquiète les spécialistes, notamment au niveau de la lutte contre le blanchiment d’argent. Quelles sont les retombées de ces nouvelles mesures ?

Même si la ministre des Finances continue à défendre l'article 54 du Projet de Loi de Finances 2026 (PLF 2026) lié à la suppression des restrictions sur les paiements en espèces en indiquant que ces nouvelles mesures vont permettre de payer et déduire fiscalement des montants plus élevés en espèces (charges, acquisitions) dès 2026 en allégeant le cadre réglementaire et encourageant la transparence, certains experts craignent que le nouvel article n’encourage le blanchiment d’argent.

En effet, ce texte annule l'Article 45 de la loi de 2018 qui limitait les transactions en liquide et supprime l'interdiction de déduction fiscale pour les paiements en espèces supérieurs à 5 000 dinars, « Depuis son entrée en vigueur en 2019, l’article 45 a permis à la Tunisie d’être classée 4è sur 48 pays concernés par la lutte contre le blanchiment d’argent.

Mettre fin à ce texte, c’est réduire le champ de manœuvres des autorités de contrôle financier dans leur guerre contre ce fléau », nous dira l’expert en économie et en finances, Mohamed Salah Jennadi. Et d’ajouter : « L’indice de Bâle sur la lutte contre le blanchiment d’argent 2025 A classe la Tunisie parmi les pays les moins exposés au blanchiment d’argent sur le continent africain et au deuxième rang des pays les moins à risque de la région MENA, derrière le sultanat d’Oman.

L’article 45 qui vient d’être supprimé est pour quelque chose dans ce classement puisqu’il a permis la réduction de l’usage du cash comme qui est un indicateur majeur de conformité et de bonne gouvernance. Je crains que l’adoption de l’article 54 n’affecte la notation de la Tunisie ».

Marché parallèle …

Selon plusieurs experts, le nouvel article est une aubaine pour le marché parallèle et les contrebandiers, « les enjeux et les risques sont énormes », estime notre expert. Jeanndi pense, en effet, que « la suppression de l’article 45 peut encourager les transactions douteuses et des flux d’argent douteux.

On peut même ouvrir des projets bidon sous forme de commerce afin de «laver» l’argent sale. En effet, l'une des techniques les plus courantes pour blanchir de l'argent consiste à utiliser une entreprise légitime qui gère de l'argent, comme un bar ou un restaurant. Via ce type de commerce, il est facile de gonfler le nombre de recettes journalières en y introduisant de l'argent illicite ».

Etant toujours sous la surveillance des organismes internationaux, la Tunisie risque, justement, de revivre les affres d'une liste noire comme en 2017 en étant classée paradis fiscal (en raison de son régime offshore) par les ministres des Finances de l'Union européenne. Le pays n'avait, malgré plusieurs relances, pas répondu dans les temps aux questionnaires et demandes d'engagements envoyés par l'UE à une centaine de nations.

Cela va même à l’encontre de la politique de la Banque centrale de Tunisie qui appelle constamment au renforcement des contrôles, notamment dans l'immobilier et le secteur financier, face à des vulnérabilités persistantes. Plus fort encore, la Tunisie dispose d’un cadre légal solide, y compris la Loi Organique de 2015, avec des peines allant jusqu'à l'emprisonnement à vie pour certains actes liés au terrorisme et au blanchiment d’argent.

Alors, la banque de traçabilité des fonds, des capitaux et des montants en liquide aura certainement un impact négatif et des risques majeurs pour l’économie tunisienne, notamment au niveau international ».

M.B.S.M.

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