Par Hassan GHEDIRI
« Un bradage des prix qui peut mettre en péril la paix sociale », voilà pourquoi l’ARP a convoqué le gouvernement à une réunion urgente demain sur l’huile d’olive…
Si elle profite énormément aux consommateurs tunisiens dont certains se mettent à s’approvisionner en grandes quantités, la baisse drastique des prix de l’huile d’olive en Tunisie ne manque toutefois pas de résonner comme un signal d’alerte dans les milieux économiques dont l’écho retentit au sein même du Parlement européen.
Face aux craintes grandissantes des oléiculteurs de voir les bénéfices fondre comme neige au soleil et les exportations de leurs produits dévalorisées sur les marchés extérieurs, l’ARP a décidé de faire ce qu’elle peut pour tenter de minimiser les dégâts.
C’est ainsi dans cette perspective qu’a été émise la lettre alarmante adressée vendredi par le président de l’ARP à la cheffe du gouvernement l’invitant à une réunion exceptionnelle devant avoir lieu demain lundi 15 décembre pour examiner les causes de l’effondrement des prix de l’huile d’olive et, éventuellement, proposer des pistes pour sauver la filière et résoudre une crise qui risque, selon le président de l’ARP, de mettre en péril la paix sociale en Tunisie
Après la récolte de la saison passée qui a été particulièrement abondante, atteignant un peu plus de 1,7 million de tonnes contre seulement 200 mille tonnes l’année d’avant, les cours internationaux ont reculé au cours de la dernière campagne avec des prix pratiquement divisés par deux la saison 2024/2025 par rapport à leur niveau de début d’année.
Seulement, la tendance n’a pas été en deçà des attentes de la Tunisie qui a vu son huile extra-vierge particulièrement prisée sur les marchés extérieurs, perdre plus de 50% de sa valeur par rapport à l’année écoulée. Car au moment où cette même variété se négociait à partir de 944 euros le quintal en Italie, son prix en Espagne et Tunisie se situait dans une fourchette comprise entre 400 et 450 euros le quintal.
Ceci dit, l’effondrement des prix de l’huile d’olive tunisienne sur les marchés d’exportation n’a pas tardé d’aggraver les déséquilibres de la balance commerciale alimentaire contribuant au creusement du déficit global au cours des onze premiers mois de 2025, comme le montrent les chiffres de l’INS publiés vendredi 12 décembre. Les exportations agroalimentaires ont affiché un repli significatif durant les onze derniers mois à cause de la régression des recettes de l’huile d’olive estimées à environ un milliard de dinars par rapport à la même période de l’année dernière.
Passivité
Cette tendance est en passe de se maintenir au cours de la campagne actuelle et ce eu égard à l’effondrement des prix qui oscillent aujourd’hui sur le marché local entre 10 et 13 dinars le litre. Une situation jugée anormale parce qu’elle contrastait totalement avec la courbe ascendante des cours internationaux.
Malgré une production et des exportations accrues, les oléiculteurs tunisiens sont en train de voir leurs bénéfices chuter drastiquement. D’aucuns croient toutefois que la filière oléicole nationale est en passe de subir les dommages collatéraux de la campagne menée par le gouvernement l’année passée pour rationaliser les prix. L’action a permis de rendre l’huile d’olive abordable pour les consommateurs tunisiens au détriment des producteurs qui ont contesté la passivité des autorités face à l’effondrement de la filière.
La chute des prix qui irrite les producteurs et embarrasse le gouvernement en Tunisie n’a pas non plus laissé indifférents les acteurs de l’oléiculture en Europe. En bon concurrents qui suivent de très près tout ce qui se passe dans la filière de l’huile d’olive en Tunisie, les oléiculteurs italiens tentent ces dernières semaines de peser de tout leur poids pour pousser les autorités européennes à durcir le contrôle sur les exportations tunisiennes d’huile d’olive.
Les Italiens tentent, en effet, à défendre l’idée selon laquelle la chute des prix de l’huile d’olive tunisienne à l’exportation serait la résultante des pratiques de spéculation et de fraude sur le marché local.
Le mois dernier, un député européen italien a déposé une proposition de loi au Parlement européen en vue de mandater à la commission européenne chargée de l’agriculture pour enquêter sur des allégations de fraude financière et commerciale ayant entrainé des arrestations dans la filière oléicole en Tunisie.
Quatre autres eurodéputés également italiens avaient, quant à eux, déposé une plainte à la même commission pour avertir que des pratiques spéculatives attribuées aux exportateurs tunisiens sont de nature à enfreindre les règlements régissant le commerce d’huile d’olive en Europe. Le mécontentement italien a été également manifesté par la plus grande organisation professionnelle agricole en Italie, la Coldiretti, qui a appelé à un renforcement des inspections contre les pratiques spéculatives qui nuisent aux producteurs nationaux et inondent les marchés.
H.G.

