Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Selon plusieurs sources diplomatiques relayées par Reuters, l’administration américaine étudie la possibilité de déplacer les bases aériennes et navales actuellement situées en Andalousie, vers le Maroc. Quel est l’impact géostratégique de cette implantation militaire sur le plan régional et continental ?
Les Américains misent sur le Maroc à deux niveaux. Le premier niveau porte sur son conflit avec l’Espagne concernant le financement de la défense au sein de l’OTAN et le deuxième concerne une possible relocalisation du siège du Commandement des États-Unis pour l’Afrique (AFRICOM) de Stuttgart, en Allemagne, à Kénitra, au Maroc.
La crise avec l’Espagne s’est envenimée après que le président américain Donald Trump a menacé d’imposer des droits de douane punitifs à l’Espagne, reprochant à son gouvernement de refuser de porter ses dépenses militaires à 5 % du PIB, un objectif qu’il tente d’imposer à tous les alliés de l’OTAN. De fait, le Maroc émerge comme un candidat stratégique potentiel pour accueillir les bases militaires américaines stationnées dans le sud de l’Espagne.
Concernant l’Africom, cette relocalisation stratégique, portée par le général Michael Langley, fait du royaume chérifien le pivot de la politique sécuritaire américaine sur le continent, en particulier dans un Sahel en proie au chaos, « Dans les deux cas, il s’agit d’un redéploiement d’une grande importance géostratégique aussi bien au niveau régional que continental », nous dira le juriste, Salem Chérif.
Et d’ajouter : « Selon, LSi Africa, ce projet s’inscrit dans un contexte de recomposition des alliances en Afrique, où la présence militaire et diplomatique de la Russie ne cesse de croître. Washington tente désormais de renforcer ses partenariats stratégiques, notamment avec Rabat, pour reprendre pied dans une région confrontée à une instabilité chronique. D’où cet intérêt des militaires américains de rapprocher le commandement de son terrain d’action.
Il faut rappeler que les Américains avaient auparavant opté pour la Tunisie pour accueillir le commandement de l’Africom ».
Militaire, mais aussi économique …
« Toujours selon LSi Africa, si cette relocalisation se concrétise, elle marquera un tournant majeur dans la politique africaine des États-Unis. Elle traduirait une volonté claire de contrer les influences concurrentes – russes et chinoises notamment – perçues comme motivées davantage par l’exploitation des ressources minières que par la sécurisation des populations civiles », estime notre interlocuteur du jour, le juriste et analyste politique, Salem Chérif. Qu’en est-il, en outre, de l’impact de cette implantation militaire américaine au Maroc sur la Tunisie et la région de l’Afrique du Nord ?
Selon Chérif : « Le renforcement de la présence militaire américaine au Maroc signifie à mon sens que les USA considère Rabat comme un allié fiable et durable. Ce choix est de nature à mettre la pression sur des pays comme l’Algérie et à un degré moindre la Tunisie. Mais c’est sur le plan économique que les Américains vont chercher à affaiblir le rôle des Chinois et des Russes en Afrique du Nord.
Il faut savoir que les chercheurs mettent en évidence un investissement colossal de 45 milliards d’euros entre 2025et 2030 dans les pays francophones d’Afrique. Ces financements se concentrent sur les télécommunications (35%), l’énergie (28%), les transports (22%) et l’industrie manufacturière (15%). L’approche chinoise ne se réduit pas à un simple transfert de capitaux.
Elle s’accompagne de transferts technologiques, de programmes de formation et de la création de zones économiques spéciales. En aucun cas , les Américains ne permettront, en effet, à la Chine de s’étendre davantage en Afrique du Nord. Et comme le dit si bien une étude élaborée par, c’est un choc pour la diplomatie et l’armée des États-Unis de voir des pays africains dont notamment l’Algérie, choisir l’appui militaire russe, les drones iraniens et turcs, et les véhicules chinois ».
M.B.S.M.