Donald Trump et une vingtaine de dirigeants européens et du Moyen-Orient se sont retrouvés ce lundi en Égypte au chevet de Gaza, mais avec des agendas et des objectifs différents. Le risque est de voir cet accord déboucher uniquement sur un cessez-le-feu sans processus de paix ni perspectives pour un futur Etat palestinien…
Au Sommet de Charm El Cheikh, au bord de la mer Rouge, l’ordre du jour du sommet était ambitieux: officiellement, il s’agit de « mettre fin à la guerre » et d’« ouvrir une nouvelle page de sécurité et de stabilité régionale ». C’est-à-dire entrer dans le « dur » du « plan Trump », une fois acquis le cessez-le-feu, la libération des otages a eu lieu avec le retour de l’aide humanitaire.
Donald Trump et plus d’une vingtaine de dirigeants européens et du Moyen-Orient ont fait le voyage; mais tout le monde n’a pas le même agenda, pas le même objectif en tête.
La présence de certains dirigeants européens comme Emmanuel Macron mérite explication. On aurait pu penser que les Américains et les Israéliens feraient tout pour garder les Européens à distance puisqu’ils ont suffisamment critiqué l’initiative franco-saoudienne à l’ONU, qui tente de remettre en selle la solution des deux États dont ils ne veulent pas.
Mais les pays arabes, comme l’Égypte, puissance invitante, ne veulent pas rester en tête à tête avec les États-Unis dans ce moment délicat : les Européens, malgré les limites évidentes de leur influence, sont là pour que l’après-guerre à Gaza respecte quelques principes.
C’est que le plan de Trump pêche sur au moins trois points
D’abord, qui va diriger Gaza dans l’après-guerre ? Qui désarmera le Hamas ? Et enfin qu’en sera-t-il de la Cisjordanie, totalement ignorée par le plan Trump ?
Le plus complexe est évidemment la question de la sécurité dans un territoire ravagé par deux ans de guerre. Dimanche, un journaliste palestinien a été abattu par des miliciens, tandis que les membres du Hamas, qui ont refait surface avec leurs armes, faisaient la chasse aux collaborateurs d’Israël. Le chaos menace si la Force de stabilisation internationale envisagée par le plan n’est pas rapidement en place.
Mais quel sera son mandat ? Appuyer une force palestinienne qui n’existe pas encore, ou imposer l’ordre elle-même. Et qui désarmera le Hamas qui a annoncé qu’il refusait de livrer ses armes tant qu’Israël occupe une partie de la bande de Gaza ? On le voit, c’est d’une complexité folle.
Et l’Etat palestinien ?
La France et ses partenaires arabes étaient là pour tenter de pousser la logique du plan adopté à l’ONU cet été, et qui trace une voie vers un État palestinien. Mais ce n’est ni la vision américaine, ni, surtout, celle du gouvernement Netanyahou en Israël.
Depuis deux semaines, Paris ne cesse de flatter le plan de Donald Trump, dans l’espoir de le pousser à évoluer dans le sens du plan franco-saoudien. Cela passe notamment par la remise en selle de l’Autorité palestinienne, qui, même en mauvais état, incarne l’unité entre Gaza et la Cisjordanie. Là encore, Israël n’en veut pas, et les États-Unis ont un autre plan en tête, avec la nomination de Tony Blair.
Le risque est de voir ces divergences persister malgré la signature de l’accord et l’hostilité du gouvernement israélien à ce qui peut ressembler à un État palestinien en devenir, déboucher sur un cessez-le-feu sans processus de paix, ouvrant la porte à de futures catastrophes. Une fois passée l’émotion de ces journées heureuses sans guerre et de retrouvailles avec les otages et les prisonniers, la complexité de la situation risque de vite reprendre ses droits.