Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
L’assassinat avant-hier de Abdelghani Al-Kikli, chef de l’appareil de soutien et de stabilité à Tripoli, a fait basculer la capitale dans le chaos et de violents combats ont éclaté entre diverses milices au point que des organisations internationales comme Interpol ont demandé à leurs fonctionnaires de quitter le pays.
Tripoli a sombré dans le chaos dans la nuit de lundi à mardi, avec des fusillades dans plusieurs quartiers et des personnes confinées chez elles, rapporte l’agence italienne Nova news. Selon la même source, «dans plusieurs vidéos circulant en ligne, on peut entendre des rafales de tirs d’armes automatiques, notamment dans les zones d’Abou Salim, d’al-Sarraj, de Ghout Shaal et d’Ain Zara. Parallèlement, les vols civils à destination de l’aéroport de Mitiga ont été détournés vers Misrata, signe de la gravité de la situation. La vague de violence fait suite à la mort de Abdelghani al-Kikli, connu sous le nom de «Ghnewa», puissant chef de l’Appareil de soutien à la stabilisation (SSA). Son entourage affirme qu’il est tombé dans une embuscade déguisée en réunion de négociation. De fait, l’atmosphère dans la ville est celle d’une grande alerte et d’une grande incertitude».
Selon l’analyste Jalel Harchaoui, cité par l’agence, «pendant des années, Ghnewa a été l’un des dirigeants les plus influents de la galaxie armée de Tripoli, «capable de placer des loyalistes dans le secteur bancaire, dans les télécommunications et dans la diplomatie, non pas tant grâce à sa force militaire que grâce à sa capacité à déjouer le Premier ministre Abdulhameed Dabaiba. Cependant, note-t-il, «sa série de victoires semble terminée». La capitale est désormais le théâtre d’un possible «remaniement territorial», comme le qualifie Harchaoui, avec des forces alliées à Dabaiba – notamment la Brigade 444 et le vice-ministre de la Défense Zewbi – prêtes à prendre le contrôle de zones autrefois dominées par l’ASS. Certains alliés mineurs du groupe, comme Oussama Tleish et Lutfi al-Harari, auraient déjà fui la capitale. Les implications ne se limitent pas au domaine militaire : «La chute du réseau Kikli aura des conséquences sur l’administration de la Banque centrale libyenne et de la Banque étrangère libyenne», explique Harchaoui. «Sa structure parallèle, comprenant un Bureau d’audit créé en décembre dernier, sera dissoute».
Le ministère de la Santé a appelé, par ailleurs, tous les hôpitaux à élever leurs niveaux d’alerte et de préparation au maximum pour faire face à la situation sécuritaire à Tripoli, où de violents affrontements se poursuivent dans de vastes zones de la capitale, Quelles sont, de fait, les répercussions de cette escalade sur la Tunisie?
Vigilance ...
Interrogé à ce sujet, l’universitaire Salem Chérif nous a confié : «A mon avis, la Tunisie est bien rôdée et préparée à ce genre de scénario. D’ailleurs, la Libye a fermé ses frontières avec la Tunisie. Du coup, au niveau sécuritaire, je pense qu’il faut tout de même rester vigilant et garder l’œil sur les milices qui opèrent tout près de nos frontières. Car les combats peuvent s’étendre à d’autres zones. Au niveau sanitaire, il faut aussi se préparer à d’éventuelles évacuations de blessés vers les hôpitaux tunisiens tout comme la possible arrivée de réfugiés». Et d’ajouter : «La guerre civile en Libye est devenue une lutte de plus en plus géostratégique. Un accord négocié sous l’égide des Nations unies et soutenu par les pays voisins est le meilleur moyen de parvenir à une désescalade durable qui permettra à la Libye de retrouver sa souveraineté. Tarek Megerisi, chargé d’études politiques dans le cadre du programme Afrique du Nord et Moyen-Orient à l’European Council on Foreign Relations, le dit d’ailleurs souvent, le déclin de la Libye, qui a eu lieu après la révolution et s’est soldé par une fragmentation et un effondrement de l’Etat, est un sujet de plus en plus alarmant. Le conflit a pris une dimension internationale croissante au fur et à mesure des ralliements extérieurs à l’une ou l’autre des deux factions libyennes. Il est devenu plus complexe et est désormais animé par des motivations fondamentalement différentes de celles qui ont prévalu à l’origine. L’internationalisation du conflit est un casse-tête géostratégique qui nuit aux tentatives de stabilisation des Nations unies. Elle a accentué les enjeux de la guerre civile en Libye et fait désormais peser une plus lourde menace sur la sécurité de la région».
M.B.S.M.