Par Hassan GHEDIRI
Comme pour un énorme paquebot, le changement de cap est une manœuvre difficile, la BCT dirige la politique monétaire avec un peu trop de prudence…
Cela commençait à faire un bon bout de temps depuis que les experts appellent à un desserrement monétaire en vue d’enclencher une dynamique de croissance durable. D’ailleurs, les analystes économiques et financiers ont d’emblée mis en garde contre les retombées du durcissement monétaire, l’un des plus forts de l’histoire de la Tunisie, mené par la Banque centrale depuis plus de cinq ans.
Certes, les banques centrales du monde entier réagissent souvent aux crises inflationnistes en augmentant les taux d’intérêt. Mais maintenant que l’inflation semble largement maitrisée, la plus haute autorité à laquelle incombait la responsabilité de la politique monétaire qu’est la BCT doit normalement entamer un mouvement d’atterrissage.
En effet, l’inflation s’inscrit désormais dans un cycle de déclin lent mais progressif. Une tendance observée depuis quelques mois en se situant à 5% en septembre 2025 après avoir franchi la barre de 10% au début de 2023. Malgré cette régression très notable, la BCT a toutefois maintenu son taux d’intérêt directeur à 7,5% depuis neuf mois. Un desserrement qui se prolonge non sans freiner l’investissement et étrangler l’économie tunisienne.
La position de la BCT jugée un peu trop prudente par la majorité des opérateurs économiques ne manque pas de relancer le débat tous les mois sur la nécessité d’un assouplissement. Ainsi, l’Institut arabe des chefs d’entreprises (IACE) s’est penché sur la question à travers une note de réflexion qui plaide pour un desserrement de l’étau monétaire.
Le think tank croit en fait que la conjoncture actuelle est propice à l’assouplissement compte tenu la désinflation observée at du besoin de relancer une dynamique de croissance. Toujours selon l’IACE, la BCT en maintenant un taux élevé malgré la chute de l’inflation « entretient un climat de frilosité économique » et freine la reprise des investissements productifs, indispensables à la relance.
Rigueur
Après avoir atteint un pic historique de 10,4% au mois de février 2023, l’inflation n’a pas cessé de refluer jusqu’à se situer actuellement à 5%, un niveau jamais atteint depuis 2021. La BCT continue toutefois d’appliquer une politique prudente en maintenant son taux directeur à 7,5%, soit en dessus de celui de l’inflation consolidant sa démarche restrictive. Une rigueur qui entrave lourdement l’accès aux financements pour les entreprises et aux crédits de consommation pour les ménages.
Il est désormais connu que le maintien d’un taux aussi élevé agit comme un frein à l’investissement parce qu’un coût de crédit excessif décourage les entreprises à développer leur activité et à embaucher de nouveaux employés tandis que les ménages, en plus d’être pénalisés par la dégradation de leur pouvoir d’achat et par le chômage, sont contraints de réduire leurs dépenses
Aussi, l’IACE souligne que la croissance, estimée à 3,2% au premier semestre de 2025, demeure en déca du niveau permettant la génération des emplois durables. Dans une économie où la demande intérieure reste le principal moteur de croissance, un tel resserrement limite les perspectives d’expansion.
Le Conseil d’administration de la BCT (qui ne s’est pas réuni depuis le mois de juin) justifie chaque fois son attentisme par la persistance de certains risques, notamment la conjoncture mondiale pleine d’incertitude, la dégradation du déficit commercial et la pression sur le dinar qui sont tous des facteurs incitant à la vigilance.
Dans le communiqué rendu public à l’issue de sa dernière réunion, le CA avait estimé qu’une « baisse prématurée » des taux pourrait raviver les tensions inflationnistes ou provoquer une nouvelle dépréciation du dinar. Sauf que pour beaucoup d’observateurs, cette prudence excessive pourrait coûter cher à l’économie réelle. Baisser le taux directeur ne signifierait pas renoncer à la stabilité monétaire, mais redonner un peu d’oxygène à une économie essoufflée, tout en soutenant la confiance des investisseurs.
H.G.

