Par Chokri Baccouche
L’information relayée hier par de nombreux confrères est tombée comme un couperet : le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail, Noureddine Tabboubi, aurait officiellement déposé sa démission au bureau d’ordre central de l’Organisation syndicale. Depuis un certain temps déjà, Tabboubi aurait menacé de rendre le tablier… une menace qu’il aurait d’ailleurs renouvelée après la dernière réunion de l’Instance administrative nationale de l’UGTT.
La vie au sein de l’organisation syndicale, qui est loin d’être un long fleuve tranquille depuis quelque temps, marquée comme on le sait par une grave crise intestine, risque de se corser davantage avec cette démission qui suscite beaucoup de questions.
Pourquoi Noureddine Tabboubi a-t-il décidé de quitter le navire amiral à un mois d’un important rendez-vous syndical, à savoir la grève générale nationale initialement prévue le 21 janvier 2026 ? A-t-il fini par céder à la pression exercée par la dissidence au sein de l’UGTT conduite par le S.G adjoint, Anouar Ben Gueddour, qui exige son départ et la fixation d’une date ferme pour la tenue d’un congrès extraordinaire électif avant terme
S’agit-il a contrario d’une manœuvre dilatoire de Tabboubi visant à jauger la réaction de ses troupes, lesquelles, se sentant abandonnées, pourraient renforcer leur mobilisation autour de leur secrétaire général et partant l’inciter à revenir sur cette démission ?
A quelques jours des fêtes de fin d’année, le Père Noël de l’an de grâce 2025 sera-t-il en or dur, c’est-à-dire porteur de nouvelles rassurantes ou au contraire une véritable ordure, c’est-à-dire porteur d’un cadeau empoisonné pour le plus controversé des secrétaires généraux de l’UGTT ?
La deuxième hypothèse parait la plus plausible et la plus proche de la réalité. Et pour cause ! Depuis qu’il a jugé bon de bidouiller le règlement intérieur de l’UGTT afin de se payer un troisième mandat consécutif, Noureddine Tabboubi et ses lieutenants du Bureau exécutif ont commis en fait une grave erreur qui a été déterminante pour la suite des événements.
Accusés de pratiques antidémocratiques, les membres de l’actuelle direction se sont mis, en effet, à dos de nombreux syndicalistes qui n’ont pas du tout digéré ce coup de force unique dans les annales de l’Organisation. Depuis, rien ne va plus au sein de l’UGTT où les divisions internes ont davantage mis à mal et fragilisé encore plus la centrale syndicale. Et comme un malheur n’arrive jamais seul, les lourds soupçons de corruption qui pèsent sur Noureddine Tabboubi et ses lieutenants ont fini par donner l’estocade à la réputation de l’organisation syndicale dont la cote de popularité a fortement décliné ces dernières années.
Noureddine Tabboubi aurait décidé donc de plier bagages mais reste à savoir si le Bureau exécutif va accepter ou rejeter cette démission qui pourrait d’ailleurs, si elle venait à être confirmée officiellement, aiguiser bien des appétits pour la succession qui s’annonce d’ores et déjà houleuse et très disputée. En tout état de cause, les syndicalistes ont grandement besoin de faire le point et surtout de réformer leur organisation. Le prochain congrès constitue une étape décisive à cet effet.
Pour remettre d’aplomb leur organisation qui n’est plus actuellement que l’ombre de ce qu’elle était il y a quelques années, les syndicalistes seraient bien inspirés de réinventer l’action syndicale et surtout, surtout de remettre bon ordre dans leur jardin. Les grèves anarchiques qui ont sévi tout au long de la dernière décennie noire ont non seulement porté gravement préjudice à l’économie nationale mais elles ont eu également un effet dévastateur sur l’image de l’UGTT auprès de l’opinion publique.
La refonte de l’action syndicale sur des bases nouvelles mieux adaptées à la réalité socioéconomique du pays est un passage incontournable pour remettre sur orbite l’organisation syndicale.
En clair, l’UGTT doit nécessairement se réinventer et non plus se contenter de l’exceptionnalité historique d’avoir contribué de manière significative à la libération nationale du joug colonial et ce, afin de se refaire une nouvelle virginité, regagner la confiance et la sympathie éprouvées à son égard par les Tunisiens et continuer à jouer le rôle majeur qui lui revient en tant que garant de la démocratie sociale en Tunisie.
Dans l’intérêt bien compris de cette organisation syndicale historique et pour des raisons objectives, Noureddine Tabboubi ne peut être l’homme de la situation devant présider les destinées de l’UGTT lors de la prochaine étape qui sera en tout point déterminante pour l’avenir de la centrale syndicale…
C.B.

