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Éditorial : Relativiser les performances - Par Hassan GHEDIRI

Selon le ministre du Tourisme, la Tunisie a, pour la première fois de son histoire, dépassé le seuil des 11 millions de touristes en 2025, une performance qui témoigne, selon lui, d’une réelle reprise du secteur malgré les défis régionaux et mondiaux. Il a considéré ce résultat comme le fruit d’une approche fondée sur le développement à la fois qualitatif et quantitatif du produit touristique.

Cette déclaration très enthousiaste contraste toutefois profondément avec un tableau sombre dessiné depuis quelque temps par la compagnie aérienne nationale Tunisair. La compagnie s'est en effet attiré les foudres des milliers de passagers à cause de l'irrespect des horaires des vols avec des retards qui dépassent parfois les 24 heures et des annulations à la dernière minute, sans parler de la dégradation de la qualité des services.

A Montréal, par exemple, des dizaines de passages qui devaient normalement se rendre en Tunisie à bord d'un appareil Tunisair ont été obligés d’attendre un avion qui ne vient pas. Un autre vol a été également annulé depuis Tozeur à cause du manque d'avion qui a été finalement remplacé par un bus qui a fait un voyage de 9 heures jusqu'à Tunis.

La relance de l'activité touristique illustrée par le chiffre record de onze millions de touristes et qui serait, selon le ministre, le fruit d'une "approche fondée sur le développement à la fois qualitatif et quantitatif du produit touristique" s'avère totalement absurde sans un transport aérien performant et de qualité qui reflète une image attrayante de la destination Tunisie.

Cette situation met en lumière un échec flagrant de l’État dans la gestion et surtout dans la restructuration de la compagnie aérienne nationale Tunisair. Depuis des années, les plans de sauvetage annoncés en grandes pompes se sont succédé sans jamais déboucher sur une réforme concrète qui met fin à la descente aux enfers de l’entreprise, autrefois symbole de réussite, de fierté nationale.

Mauvaise gouvernance, endettement chronique et absence d’une vision stratégique claire ont progressivement vidé Tunisair de sa capacité à jouer pleinement son rôle de locomotive du tourisme national. Au lieu d’être un levier de compétitivité et de rayonnement international, la compagnie est aujourd’hui perçue comme un frein à l’essor touristique en Tunisie, ternissant l’image de la destination auprès de la clientèle étrangère et de la diaspora.

De ce fait, il devient indispensable de relativiser les performances touristiques mises en avant par les autorités. Le chiffre record de onze millions de visiteurs, aussi impressionnant soit-il, reste largement circonstanciel étant le résultat d’une reprise tout à fait normale des marchés traditionnels pourvoyeurs d’un tourisme de masse et de l’engouement très marqué des touristes algériens.

Des chiffres qui masquent souvent les profondes défaillances structurelles de la logistique grandement tributaires d’un transport aérien en difficulté. Un tourisme durable et de qualité ne se mesure pas uniquement par le nombre d’entrées, mais surtout par l’expérience inédite que l’on offre aux visiteurs. Une expérience qui députe au bord de l’avion mais qui tend souvent à se transformer en une mésaventure par les retards interminables et les annulations imprévisibles. 

La comparaison avec le Maroc est, à cet égard, édifiante. En faisant de Royal Air Maroc un véritable outil stratégique, le Royaume a compris, très tôt, que le succès touristique passe par une compagnie aérienne performante, bien gérée et fortement intégrée aux ambitions nationales.

Aujourd’hui, Royal Air Maroc dessert presque tous les continents, renforce les hubs africains, soutient activement les grandes destinations touristiques et participe pleinement à la construction d’une image moderne et fiable du pays. Cette cohérence entre politique touristique et politique de transport aérien a permis au Maroc de s’imposer comme une référence mondiale en matière de tourisme.

La relance du tourisme pour être crédible et durable passe inévitablement par une réforme profonde de la compagnie nationale. Sinon les exploits annoncés risquent de rester de simples chiffres, déconnectés de la réalité vécue par les voyageurs.

H.G.

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