Par Hassan GHEDIRI
La dégringolade du principal port à conteneurs de Tunisie ne s’arrête pas. Perdant environ quarante places au classement mondial en quatre ans, le port de Radès est un grand handicap au commerce extérieur…
L’Indice de performance des ports à conteneurs (CPPI) établi par la Banque mondiale avec le groupe américain S&P Global Market Intelligence spécialisé dans l’analyse des économies et des marchés classe 403 ports à conteneurs selon un nombre d’indicateurs de performance et les progrès réalisés au cours des cinq dernières années (2020 à 2024).
Le nouveau rapport diffusé fin septembre dernier montre que beaucoup de pays ont vu les notes et classements de leurs ports à conteneurs progresser depuis 2020, dont notamment le Sénégal (port de Dakar) et l’Egypte (Port-Saïd) en Afrique. Le rapport attribue les améliorations réalisées par ces pays par l’engagement politique dans la simplification des procédures commerciales et l’investissement dans des programmes de modernisation des infrastructures et d’intégration des technologies.
Malgré une conjoncture pas du tout favorable marquant le dernier quinquennat avec de multiples chocs (pandémie du Covid, tensions géopolitiques…), certains pays en développement ont pu s’adapter et valoriser pleinement leur potentiel grâce à la bonne planification, la technologie et la coopération tout au long de la chaine logistique. La performance et l’efficacité de leurs ports ont alors progressé sensiblement.
Tandis que d’autres pays de la région tirent leur épingle du jeu, à l’instar de l’Egypte et le Maroc classés respectivement troisième et cinquième à l’échelle mondiale, la Tunisie s’est vue reléguer aux derniers rangs, et ce, à cause des dysfonctionnements et des anomalies qui perdurent dans le principal port à conteneurs du pays, en l’occurrence le port de Radès.
Classé à la 210è place en 2022, le port de Radès a en effet fait chute libre et perdant environ 40 places pour se positionner au 251è rang sur 403 ports à conteneurs dans le monde, selon l’indice CPPI nouvellement annoncé.
Goulots d’étranglement
A l’échelle du continent, notre pays ne fait pas mieux puisqu’il se contente de la 13è place, reculant d’une place par rapport au dernier classement. Le score obtenu par le port de Radès montre la faible compétitivité de la Tunisie dans le trafic de conteneurs à l’échelle mondiale et régionale.
Le mauvais classement est parfaitement justifiable lorsqu’on observe, par exemple, le temps que passent les porte-conteneurs en escale avant le changement et le déchargement qui a évalué à plus de 86% du temps passé à quai. Dans le rapport, l’on explique que le port de Radès souffre de goulots d’étranglement structurels tels que la congestion récurrente à l’ancre, la lenteur des procédures administratives et douanières et une coordination insuffisante entre les différents acteurs opérant dans le port.
Le rapport souligne par ailleurs un manque d’investissement dans la modernisation technologique et la digitalisation en comparaison avec beaucoup de pays africains qui investissent massivement dans la numérisation des escales et l’automatisation des opérations de manutention.
Il y a lieu de rappeler que depuis bientôt 20 ans, la Tunisie a dévoilé ses grandes ambitions de devenir un hub maritime incontournable pour le commerce international. C’était en 2006 qu’a été divulguée pour la première fois la maquette du futur port en eaux profondes qui devait émerger à Enfidha.
Du fait de sa position dans un carrefour de transport maritime (entre les bassins occidental et oriental de la Méditerranée), le port d’Enfidha, supposé disposer d’un canal d’accès d’une profondeur de 19 mètres, devrait ainsi placer la Tunisie dans la course d’accostage des gros cargos venus d’Asie, d’autant plus qu’un concurrent de taille, en l’occurrence le Maroc, a d’ores et déjà pris une longueur d’avance grâce au port de Tanger inauguré en 2007, qui occupe aujourd’hui le haut du podium africain, et ferme en même temps le top 5 mondial.
Etranglé par la corruption et la mauvaise gestion, le port de Radès, principal point de transit commercial du pays, peine à se moderniser, à redorer son blason et grimper des marches au classement des performances portuaires à travers le monde.
H.G.