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« Le Roi Lear » : Une ouverture en majesté de la 26ème édition des Journées théâtrales de Carthage

Le Théâtre de l’Opéra de Tunis a donné, samedi soir, le coup d’envoi de la 26ᵉ édition des Journées théâtrales de Carthage (JTC) en dévoilant la première tunisienne de « Le Roi Lear », événement marquant le retour très attendu du géant du théâtre arabe, Yahia Fakharani. À 80 ans, l’acteur égyptien reprend l’un de ses rôles les plus mémorables, qu’il n’avait plus incarné sur scène depuis vingt ans, dans l’une des tragédies les plus profondes de Shakespeare.

Mis en scène par Shady Sorour, le spectacle mêle puissance visuelle, profondeur psychologique et esthétique contemporaine. Le choix d’ouvrir les JTC — placées sous le slogan « Le théâtre, une conscience et un changement. Le théâtre, le cœur battant de la rue » — par ce monument shakespearien a réuni sur scène artistes tunisiens et égyptiens, scellant une collaboration artistique d’une grande richesse.

 

À la sortie de scène, Yahia Fakharani n’a pas caché son émotion : « Je suis heureux de me présenter en Tunisie… Qui dit culture dit Tunisie. »

Le public lui a réservé une longue ovation, en écho à son lien ancien avec le pays, où il avait reçu en 1984 le Tanit d’argent des Journées cinématographiques de Carthage pour « Porté disparu » de Mohamed Khan.

En hommage à sa carrière exceptionnelle, les JTC lui ont décerné le Tanit d’or honorifique, remis par le directeur artistique et homme de théâtre Mounir Argui.

Sublime

Interprétée en arabe littéraire, la pièce s’enrichit de la musicalité de l’accent égyptien, familier au public tunisien grâce à des décennies de cinéma et de séries. Cette sonorité confère une élégance particulière aux dialogues, renforce la densité émotionnelle de la tragédie et rend l’univers de Shakespeare accessible dans une vibration nouvelle.

Avec une mise en scène nourrie de projections, de fresques visuelles et de séquences chorégraphiées, Shady Sorour propose une lecture énergique et sensible de la chute de Lear.

La production bénéficie de la participation d’une équipe tunisienne de seize danseurs et chorégraphes, sélectionnés quelques jours avant la première. Parmi eux, Rayen Fatnassi et Ahmed Grindi, habitués du Théâtre de l’Opéra, ont confié avoir travaillé quotidiennement pour donner vie aux scènes de bataille, de foule, aux rôles secondaires de soldats, princes et princesses.

Au centre de cette architecture scénique, Fakharani incarne un Lear d’une grande humanité, un roi dont la majesté se fissure sous le poids des trahisons et des choix malheureux. Il évolue aux côtés d’un casting égyptien prestigieux : Tarek Desouki, Hassan Youssef, Ahmed Othman, Tamer El-Kachef, Amal Abdallah, Iman Ragai, Basma Douidar, Tarek Sharaf, Mohamed Azaizi, Adel Khalaf et Mohamed Hassan.

Lear, une œuvre intemporelle

Écrite entre 1603 et 1606, la tragédie de Shakespeare retrace la descente aux enfers d’un roi qui choisit de diviser son royaume selon l’amour proclamé par ses filles. Ingratitude, clairvoyance tardive et vérités refoulées — « une chienne que l’on doit laisser au chenil », selon le Fou — tissent les fils d’une œuvre dont la modernité ne se dément pas.

Dans le monde arabe, Le Roi Lear a été adapté à de multiples reprises, sur scène, au cinéma et à la télévision. La version télévisuelle portée par El-Fakharani a marqué toute une génération. En Tunisie, le défunt Hichem Rostom avait revisité la pièce dans « Le comédien King Lear », méditation poignante sur la solitude de l’artiste vieillissant.

Longuement applaudie, cette première tunisienne a confirmé que « Le Roi Lear » demeure une tragédie universelle, toujours capable d’interroger le pouvoir, la fragilité humaine et la quête de vérité. Porté par l’arabe littéraire et par l’élégance de l’accent égyptien, le texte de Shakespeare a résonné avec une intensité nouvelle.

 

La performance de Yahia Fakharani, véritable légende vivante, s’impose déjà comme l’un des moments majeurs des JTC 2025, témoignant de la vitalité et de l’audace du théâtre arabe contemporain.

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