Par Chokri Baccouche
Si certains naissent avec une cuillère en or dans la bouche, d’autres en revanche voient le jour dans le dénuement le plus total et doivent cravacher dur pour avoir de quoi se mettre sous la dent. La vie est ainsi faite. Elle se fait dure pour ceux qui ont tiré le mauvais numéro dans la loterie de l’existence et dorlote ceux qui ont eu la chance de tomber sur le tiercé ou le quarté gagnant comme dans les courses hippiques.
C’est injuste, dira-t-on, que certains sont obligés de trimer et suer sang et eau pour avoir leur pitance, alors que d’autres se la coulent douce et mènent une vie de nabab dans l’opulence sans avoir à fournir le moindre effort. Cela est vrai dans une certaine mesure, mais en partie. Pourquoi ? Parce que l’individu qui a eu la malchance de naitre dans la pauvreté n’est pas condamné forcément à le rester toute sa vie durant.
S’il a la volonté, l’intelligence et la détermination nécessaires, il peut en effet forcer son destin et, à la longue, réussir à se faire une place au soleil. Des milliers de personnes de par le monde, complètement fauchées au départ, comptent aujourd’hui parmi les plus grosses fortunes de la planète. Ils sont à la tête de conglomérats puissants actifs dans de nombreux secteurs qui brassent des chiffres d’affaires faramineux et emploient plusieurs milliers d’individus.
L’Américain Steve Jobs, génie informatique fondateur de la célèbre Apple, l’Espagnol Amancio Ortega Gaona, patron des non moins célèbres marques de prêt-à-porter Zara et Massimo Duti, Ingvar Kamprad (Ikéa), Karl and Theo Albrecht (Aldi), Richard Branson (Virgin), Niklas Zennstrom (Skype) et la Chinoise Zhou Qunfei, fondatrice d’une entreprise performante spécialisée dans les écrans tactiles Lens, entre autres, comptent parmi ces self-made men qui sont devenus aujourd’hui multimilliardaires alors qu’ils n’avaient strictement rien au départ.
La clef du succès de ces hommes et femmes qui se sont fait eux-mêmes a pour noms audace, cran, passion et détermination. Une volonté à toute épreuve d’aller de l’avant en somme, de ne pas accuser le coup en tombant mais de se relever pour poursuivre le chemin tracé avec la même résolution inébranlable jusqu’à atteindre l’objectif.
C’est à ce prix qu’on pourra en fait atteindre le Graal de la réussite partant de l’évidence que la fortune sourit seulement aux audacieux et celui qui ne tente rien n’a rien, comme on s’accorde à le penser.
Ce qui est valable pour les individus, l’est très certainement aussi pour les Etats. De la même manière que les individus, les pays qui ont tiré le mauvais numéro dans la loterie de la vie et qui n’ont pas eu la chance de naitre avec une cuillère en or dans la bouche et disposer d’une rente énergétique confortable, comme c’est le cas de la Tunisie, ne sont pas forcément condamnés éternellement à végéter dans les bas fonds de la précarité et du sous-développement.
On peut se demander par conséquent pourquoi, après plus de soixante ans d’indépendance, on n’a pas réussi encore à sortir de la mouise ? La réponse à cette question tient à un seul mot : nous sommes victimes de notre propre mentalité. Celle qui prévaut aussi bien au sein de la classe politique mais également celle des individus et des simples citoyens lambdas.
Tous les gouvernements qui se sont succédé ces dernières décennies n’ont jamais réussi en effet à promouvoir la culture du compter sur soi et libérer les initiatives privées. Faute et lieu de booster les énergies individuelles, ils se sont appliqués à qui mieux mieux à confiner indéfiniment la population dans un statut d’assistée, privant ainsi le pays d’une force de frappe qui aurait pu la propulser vers un niveau de développement de loin beaucoup plus élevé.
Le paternalisme étatique privilégié dans nos murs a profité paradoxalement à une élite infime laissant à la traine le plus gros contingent de la troupe et c’est ce qui explique d’ailleurs le fossé abyssal qui sépare la classe minoritaire des riches et des ultra-riches et celle majoritaire des pauvres et des indigents.
A l’heure où l’Etat providence fait désormais partie du passé, il est impératif sinon vital de rectifier le tir et de tout faire pour libérer les initiatives privées et promouvoir la culture du compter sur soi et de la réussite personnelle. La force d’une nation réside dans la capacité à exploiter à bon escient toutes ses potentialités.
La performance exemplaire réalisée par la start-up tunisienne InstaDeep qui a été rachetée il y a quelques années, rappelons-le, par le géant allemand BioNTech pour la coquette somme de 405 millions d’euros, soit environ 1,4 milliard de dinars, donne la preuve formelle que la Tunisie regorge de têtes bien faites qui n’attendent que la chance d’avoir l’opportunité d’exprimer tout leur talent et leur savoir-faire et de briller de mille feux.
Pour l’histoire, InstaDeep, spécialisée dans l’intelligence artificielle, a été créée au départ par deux de nos jeunes formés par nos universités avec seulement deux ordinateurs et un investissement dérisoire de 5 mille dinars. La culture de l’excellence, la vraie, et le développement de l’esprit de challenge sont en fait le sésame qui permettra à la Tunisie de sortir du mauvais pas et de concrétiser enfin ses ambitions légitimes de jouer dans la cour des grands et assurer un avenir meilleur pour l’ensemble de ses citoyens…
C.B.

