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Editorial : Plan de paix ou attrape-nigauds…

Par Chokri Baccouche

Le plan de paix en vingt points proclamé par le président américain Trump et visant à mettre fin à la guerre à Gaza est-il recevable ? Pourrait-il être couronné de succès ? S’agit-il d’un projet sérieux susceptible de baliser le terrain en vue d’une résolution crédible du conflit israélo-palestinien ou au contraire une initiative en trompe-l’œil, un piège à cons ou un traquenard qui n’aura pas plus d’effet qu’un coup d’épée dans l’eau en amorçant un sempiternel retour à la case départ, comme si de rien n’était. Sans verser dans le négativisme, ledit texte comporte de nombreuses lacunes et reste étrangement flou sur des points d’une importance cruciale. Taillé sur les mesures de l’entité sioniste et c’est la raison pour laquelle d’ailleurs il a été accepté sous conditions par le Premier ministre israélien Netanyahu, contre cœur il faut dire, car il est dans une très mauvaise posture, ce plan est d’abord asymétrique. Plus précisément, l’accord est largement plus favorable à Israël qu’au Hamas dans la mesure où il exige que le mouvement islamiste palestinien libère tous les otages israéliens qu’il détient encore et dépose toutes ses armes, ce qui le laisserait totalement sans défense. On doute fort d’ailleurs que les dirigeants du Hamas puissent accepter cette condition, à raison du reste, car ils n’ont aucune confiance envers Israël et plus particulièrement envers Netanyahu qui a prouvé à maintes reprises que les accords n’engagent que les naïfs. Rien ne garantit d’ailleurs que Netanyahu n’attaque pas de nouveau le Hamas une fois que ce dernier accepte de se désarmer. Le premier ministre sioniste qui a délibérément fait capoter le cessez-le-feu conclu en janvier 2025 qui n’a duré que deux mois est loin d’être un interlocuteur crédible, digne de confiance et respectueux des engagements. Compte tenu de l’asymétrie du plan, le Hamas pourrait, par conséquent, décider que les risques liés à son acceptation l’emportent sur les avantages potentiels, même si le texte prend soin de préciser que les combattants du Hamas qui auront déposé les armes bénéficieront d’une amnistie.

 

Dans ce même ordre d’idées, le plan envisage un avenir dans lequel l’Autorité palestinienne pourrait « reprendre le contrôle de Gaza de manière sûre et efficace ». Il s’agit en fait d’un simple effet d’annonce, car Benjamin Netanyahu a déjà déclaré par le passé qu’un tel développement était à ses yeux inconcevable. De même, il serait très difficile pour le Premier ministre sioniste d’accepter « une voie crédible vers l’autodétermination et la création d’un État palestinien », comme le prévoit le plan. Il a, à de multiples reprises, fermement rejeté toute création d’un État palestinien, y compris, le 27 septembre dernier, dans le discours bravache qu’il a tenu devant l’Assemblée générale des Nations unies. En plus des nombreux aspects essentiels qui n’ont pas été détaillés par ce plan concernant notamment la « force internationale de stabilisation » qui remplacerait l’armée israélienne après le retrait de celle-ci de Gaza et l’autorité civile qui superviserait la reconstruction de Gaza, le projet américain n’a fait aucune mention sur la Cisjordanie ; un dossier pourtant essentiel pour tout règlement de paix. Depuis près de deux années consécutives, des affrontements opposent quasi quotidiennement les colons israéliens et les résidents palestiniens, et rien n’indique que la situation ne va pas encore s’aggraver. Plus significatif encore, le mois dernier, le gouvernement israélien a donné son accord définitif à un projet controversé visant à construire une nouvelle colonie qui diviserait de fait la Cisjordanie en deux, rendant impossible la création d’un futur État palestinien disposant d’une continuité territoriale viable.

 

Et si on ajoute à cela le dernier discours agressif de Netanyahu devant une salle désertée par de nombreuses délégations à l’ONU, la boucle est bouclée. Le premier ministre sioniste, rappelons-le, n’a pas laissé entendre dans ce speech qu’il envisageait de renoncer à l’une des « lignes rouges » qu’il avait fixées pour mettre fin à la guerre. Bien au contraire, il a fait preuve d’une arrogance indécente en condamnant les pays qui ont reconnu, quelques jours auparavant, l’Etat palestinien déclarant à leur intention : « Israël ne vous permettra pas de nous imposer un Etat terroriste ».

 

Pour toutes ces raisons, on peut affirmer sans risque de se hasarder que le plan du président américain ne peut aboutir dans sa configuration actuelle à une paix réelle, car il a délibérément occulté  des aspects essentiels garantissant le droit des Palestiniens à une autonomie effective dans le cadre d’un Etat indépendant et souverain. Tout ce que ce plan propose en fait c’est un arrêt sous conditions des hostilités, mais sans perspective véritable pour le peuple palestinien qui doit se contenter d’une simple remise du compteur à zéro, c’est-à-dire un retour à la case départ. Vilipendé et mis au ban de la communauté internationale, Netanyahu, pour ses interminables crimes de guerre, manœuvre encore et toujours en acceptant un plan conforme à ses vils objectifs qui pourrait lui donner le prétexte en cas de refus de la part du Hamas et c’est ce qu’il cherche en fait, de poursuivre indéfiniment la guerre. Connaissant l’homme, faudrait être dupe pour ne pas admettre cette vérité…

 

C.B.

 

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