Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Alors que les agents et cadres de la CPG ont observé une grève générale de deux jours (25 et 26 décembre), le secrétaire général de l’UGTT persiste et signe que son organisation demeurait forte. Jusqu’où peut aller cette fuite en avant?
S’exprimant lors de la réunion de la Fédération syndicale de la femme et des jeunes travailleurs, le secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT), Noureddine Taboubi, a affirmé que son organisation est plus que jamais forte et que les divergences entre ses dirigeants sont signe de bonne santé et traduit l’esprit démocratique qui règne au sein des différentes structures de la Centrale syndicale. Taboubi a mis en garde contre ceux qui misent sur cette crise pour signer l’arrêt de mort de l’organisation syndicale, affirmant au passage que «l’UGTT restera la tente pour tous les Tunisiens qui ne sera jamais détruite». Conjointement, tous les agents et cadres de la Compagnie des phosphates de Gafsa ont observé une grève générale de deux jours (le 25 et 26 décembre dernier), qui a touché toutes les unités de production à Tunis, Gafsa et Gabès. Le Conseil sectoriel des mines de l’Union générale tunisienne du travail (UGTT) avait lancé, le 13 décembre dernier un préavis de grève pour tous les sites de production de la CPG pour revendiquer le versement de la prime de rendement de 2019 et 2023, l’application des procès-verbaux des précédentes réunions centrales, et l’allocation des quotas pour les prêts sociaux pour les années 2023, 2024, et 2025, ainsi que les majorations au salaire de base. Cette grève a été perçue par les observateurs comme un test pour mesurer la puissance de l’UGTT et si elle est encore capable de peser dans les négociations sociales avec le gouvernement.
Il y a un paradoxe dans le discours des dirigeants de l’UGTT. Quelques jours auparavant, on parle d’une crise aigue au sein de la structure syndicale et actuellement, on loue la force de la Centrale. En temps normal, quand il y a une crise en cours entre factions rivales dans une Centrale syndicale, dont notamment le bureau exécutif est pointé du doigt, l’UGTT en tant qu’organisme indépendant doit trouver la panacée. Elle ne doit pas choisir son camp en fonction de calculs opportunistes. Surtout que dans un passé récent, l’UGTT a été l’instrument de la contestation politique et usait de son influence pour garantir le triomphe des uns et l’humiliation des autres, c’est qu’elle a failli à son rôle et à sa fonction. Ceci nous rappelle les dix dernières années du syndicalisme avec ses multiples grèves. Jusqu’où peut, en effet, aller cette fuite en avant au moment où le pays a besoin d’une paix sociale solide pour se relancer notamment sur le plan économique?
Réactions
Affaiblie par une crise interne qui dure depuis 2022 et discréditée par une grande partie de sa base syndicale, jamais l’UGTT n’a été aussi vulnérable. C’est du moins ce que pensent certains analystes à l’instar du juriste, Salem Chérif, qui nous a confié: «Les dernières sorties du secrétaire général de l’Union générale tunisienne du travail, Noureddine Taboubi, montre que c’est la crise interne et sa gravité qui motive cette fuite en avant en brandissant à chaque fois la menace de la grève. Or, à mon avis, l’actuel bureau exécutif, du moins les membres qui soutiennent toujours le secrétaire général, à se pencher sérieusement sur l’origine de cette crise, afin d’éviter l’explosion. On voit bien par ailleurs que même le sit-in annoncé par les membres réfractaires, a été reporté au 8 janvier prochain, cela ne fait qu’expédier cette crise et non pas la résoudre et repartir sur de nouvelles bases». De son côté, l’activiste, Rached Ben Hcine, nous a indiqué: «Même si le secrétaire général adjoint de l’Union générale tunisienne du travail, Sami Tahri, avait indiqué récemment que l’organisation a la capacité de surmonter les crises et est plus grande que tous les individus et que cette crise ne doit pas affecter le travail syndical, tout en soulignant que les conférences sectorielles et la conférence constitutionnelle prouvent la continuité des activités et que la machine de l’Union fonctionne malgré les divergences, il va sans dire que sur le terrain, la réalité est tout autre. En effet, le 8 janvier prochain sera une date fatidique puisqu’elle survient dans un mois connu par les Tunisiens comme le mois des protestations et des revendications. Et ce sit-in prévu à cette date pourrait constituer un tournant si la base syndicale déciderait de se soulever contre l’actuel direction syndicale».
M.B.S.M.