Les délais ont finalement été respectés à la lettre après la publication dans le Jort du 12 décembre 2025 de la loi de finances 2026 après sa promulgation par le Président de la république. Dans la forme, tous les protagonistes ayant pris part au processus de l’élaboration du budget ont donc rempli les tâches selon les compétences qui leur sont attribuées dans la Constitution.
Dans le fond, il y a toujours beaucoup à dire parce que, comme toutes les lois de finances, le projet de budget proposé par le gouvernement et qui a été modifié lors du marathon des débats parlementaires ne peut guère faire l’unanimité de tous les observateurs. Seulement, il semble que, pour le budget 2026, les opinions semblent converger clairement sur l’absence d’une véritable vision réformatrice susceptible de créer une dynamique de transformation profonde de l’économie tunisienne.
D’aucuns croient, en effet, qu’exceptées certaines mesures à vocation sociale qui tentent de traduire tant bien que mal la volonté de l’Etat à assumer sa responsabilité envers les populations vulnérables, cette loi ne permet point d’atteindre les objectifs stratégiques proclamés solennellement par les plus hautes autorités et qui constituent le socle des politiques de développement pour les cinq prochaines années.
Beaucoup d’économistes croient, en effet, que les dispositions de la loi de finances de 2026 ne suffisent pas pour consolider l’autonomie, relancer la croissance et mettre en mouvement une économie différente. Ce constat largement partagé expose l’écart persistant entre un discours politique empruntant sans arrêt le lexique de la rupture et le changement et une réalité économique et sociale accablée par des contraintes budgétaires sévères.
Au-delà des intentions politiques, la loi de finances s’avère un exercice technique par excellence qui a pour principales motivations de boucler les équilibres, assurer le service de la dette, financer les dépenses de fonctionnement et préserver une paix sociale de plus en plus fragile.
Se voulant le reflet des grandes orientations annoncées par le gouvernement dans le plan de développement 2026-2030 et qui visent à instaurer la justice sociale, rompre avec la disparité régionale, soutenir les acteurs économiques et renforcer le rôle de l’État dans les secteurs stratégiques, le nouveau budget sera quasi-exclusivement absorbé par les dépenses courantes, laissant peu de marges pour engager une véritable mutation du modèle économique.
Encore faut-il souligner que le modèle de financement adopté soulève de sérieuses interrogations quant à sa soutenabilité, à sa capacité à stimuler durablement l’investissement privé, l’innovation et la création d’emplois. Axé principalement sur l’endettement interne avec recours obsessionnel aux ressources de la Banque centrale supposée être un choix exceptionnel, le modèle de financement sur lequel semble se fonder le budget ne construit pas une économie différente.
Et pour cause, cet échec persistant à passer d’une logique de gestion de crise à une logique de transformation. Les mesures sociales, aussi nécessaires soient-elles, demeurent pour l’essentiel des réponses correctives à des déséquilibres profonds, sans s’inscrire dans une stratégie globale qui conduit à une transformation réelle des mécanismes de production, qui favorise une distribution équitable des richesses et qui met en marche une vraie politique de bonne gouvernance.
Sans réformes structurelles, l’on continuera à tourner en rond et à reproduire toujours les mêmes déséquilibres. L’enjeu ne réside donc pas dans la capacité de l’État à impulser une nouvelle trajectoire de développement à même de mettre en mouvement une économie différente. Cela exige une capacité de faire des choix courageux.
H.G.

