Fermée la (petite) parenthèse du gel qui a duré un mois sur décision jugée « arbitraire et injustifiée », le Forum tunisien des droits économiques et sociaux (FTDES) a repris ses activités le 28 novembre en promettant de poursuivre, avec une résolution inflexible, sa lutte conte toutes les formes d’injustices et d’inégalités.
Le forum qui s’autoproclame comme étant un défenseur incontestable des populations marginalisées et un dénonciateur crédible et légitime des politiques publiques qui les maintiennent dans un cercle d’exclusion a décidé de repartir de plus belle pour relancer le débat sur les inégalités. La thématique sera en effet abordée aujourd’hui à l’occasion d’une conférence-débat qu’abritera la faculté des Sciences économiques et de gestion de Tunis.
S’inscrivant dans une série de contributions élaborées par des chercheurs actifs au sein du Forum, la réflexion invite à repenser l’économie tunisienne pour restaurer la confiance dans l’Etat et rompre une fois pour toute le cercle d’exclusion sociale entravant l’accès équitable aux ressources, aux droits et aux services essentiels.
Car, aujourd’hui, d’après des enquêtes de terrain, les populations longtemps marginalisées par les politiques de développement souffrent d’une invisibilisation accrue par les institutions publiques, ce qui engendre chez eux une méfiance généralisée envers l’Etat. Il y a d’ailleurs un constat qui motive l’invitation à repenser l’économie à partir de la réalité sociale.
C’est que, selon les chercheurs du FTDES qui ont travaillé sur les problématiques de l’injustice et de l’exclusion, il y a un fossé qui ne cesse de se creuser entre la représentation des institutions et administrations publiques du vécu des populations vulnérables et la réalité que celles-ci vivent réellement. Un fossé qui les maintient dans un cercle d’exclusion durable et permanente entravant leur accès équitable aux ressources.
Ce processus épinglé par les enquêtes de terrain conduit l’Etat à reconduire et à prolonger la vulnérabilité et la précarité d’un pan entier de la population par le biais d’un modèle de développement qui a démontré ses limites et qui s’est avéré, depuis longtemps, incapable d’assurer une prospérité économique et sociale équitable et durable.
Il existe, en effet, presque un consensus quant aux insuffisances du modèle de développement actuel et de son échec à produire des avancées économiques et sociales significatives. Un modèle de développement qui incite à l’informalité des populations voyant leur précarité économique et sociale non pas une crise conjoncturelle mais structurelle, complexe et durable.
Cela dit, il s’avère donc que les instruments de soutien social ne permettent pas de briser le cercle vicieux des vulnérabilités économiques et sociales auxquelles sont exposées les populations marginalisées en Tunisie.
L’Etat, mais également les organisations et institutions internationales supposées œuvrer pour combattre les inégalités économiques et sociales, comme la Banque mondiale, s’intéressent beaucoup plus à la quantité, c’est-à-dire le nombre des bénéficiaires des aides qu’à l’impact réel de leurs programmes d’aide sur les conditions de vie des individus.
Les instruments mobilisés, comme les pensions et les allocations financières, souvent médiocres, ne font que renforcer la vulnérabilité et les inégalités n’étant pas accompagnés ni de programmes effectifs de renforcement économique ni de réformes structurelles susceptibles de traiter les causes profondes de la vulnérabilité.
Beaucoup de chercheurs tendent aujourd’hui à croire que les politiques sociales appliquées jusqu’ici en Tunisie ont transformé le principe de solidarité en une simple « gestion technique de la misère » sur laquelle veillait l’appareil bureaucratique de l’Etat.
Ils sont toutefois unanimes à considérer que le problème ne réside pas en les politiques de protection sociale, mais dans le modèle de développement dans son intégralité. Repenser ce modèle est la condition sine qua non à l’élimination des inégalités qui minent la cohésion sociale et la confiance dans l’Etat.
H.G.

