Pr Hassan GHEDIRI
La Tunisie a gagné huit places dans le classement de 2025 des écosystèmes de start-up dans le monde. Il n’empêche que de nombreuses anomalies persistent…
En grimpant de la 90è position en 2024 à la 82è place cette année dans le Global Startup Ecosystem Index de 2025 publié par la plateforme internationale StartupBlink spécialisée dans l’analyse et l’évaluation des performances des écosystèmes de start-up à travers le monde, la Tunisie décroche la deuxième place dans la région de l’Afrique du Nord, devancée de très loin par une Egypte dotée d’un écosystème trois fois plus puissant que le nôtre. A l’échelle du continent, notre pays s’impose dans le top 10 en occupant la 7è place alors qu’il arrive 14è dans la région MENA. Cette progression ne peut toutefois camoufler de nombreux handicaps structurels qui ralentissent la dynamique de développement de l’écosystème. Parmi les obstacles auxquels ils se heurtent tous les jours, les jeunes startupeurs citeront à l’unanimité l’accès au financement, les lenteurs administratives et un cadre réglementaire rigide.
En fait, avec un peu plus de 1400 start-up labellisées, la Tunisie affiche un potentiel entrepreneurial assez prometteur. En même temps, c’est l’implication du système de financement qui laisse à désirer. Pilier fondamental du développement des écosystèmes des start-up dans le monde, le financement reste un casse-tête majeur, se limitant à quelques fonds de capital-risque et des investisseurs institutionnels particulièrement réticents face aux secteurs innovants. De plus en plus nombreuses sont alors les jeunes pousses qui peinent à accéder à des fonds suffisants pour assurer leur croissance. A cela s’ajoute une bureaucratie encore lourde et des dispositifs publics peu adaptés, freinant l’accès à des mécanismes de soutien financier. Malgré un climat d’affaires pas tout à fait propice, certaines start-up parviennent quand même à tirer leur épingle du jeu sur des marchés extérieurs. Selon le rapport Partech Africa, les start-up tunisiennes ont levé 24 millions de dollars en 2024, à travers 11 transactions sur le marché africain. Ces performances, bien que prometteuses, restent modestes à l’échelle continentale et doivent être généralisées.
Disparité
Il faut dire que depuis l’adoption en 2018 de la loi sur promotion de l’écosystème des start-up en Tunisie (StartupAct) qui a constitué une avancée législative très importante, des lois archaïques sont encore en vigueur, notamment celles réglementant les transactions en devises censées être rectifiées par la réforme du code de changes qui tarde à voir le jour. Une situation qui décourage beaucoup de jeunes entrepreneurs et limite leurs perspectives de croissance. Face à ces limitations, plusieurs acteurs de l’écosystème appellent à une diversification des modes de financement. Parmi les solutions envisagées figure le financement participatif (crowdfunding), un levier inclusif et innovant, particulièrement utile aux start-up en phase de démarrage. Il faut noter que la Tunisie s’est bel et bien dotée d’une loi encadrant le crowdfunding dès 2020. Cette loi reste, néanmoins, peu appliquée, certainement à cause du manque de communication qui aide à sa promotion auprès des jeunes entreprises et investisseurs.
D’aucuns pointent par ailleurs du doigt la centralisation excessive de l’écosystème des start-up en Tunisie. Plus de 70 % des start-up labellisées sont en effet localisées dans le Grand Tunis, tandis que des régions comme Siliana, c’est le néant. Cette fracture territoriale prive des centaines de jeunes talents d’un cadre propice à l’innovation et freine le développement économique régional. Accélérer les réformes, simplifier l’accès aux financements et assouplir le cadre réglementaire sont des actions indispensables pour stimuler l’entrepreneuriat dans les secteurs innovants et redonner des ailes aux jeunes pousses.
H.G.