Par Hassan GHEDIRI
L’an dernier à pareille date, les producteurs de l’huile d’olive en Tunisie se frottaient les mains en observant les prix qui s’affolent sur le marché international. Cette année, ils broient du noir.
La très mauvaise récolte d’Espagne, producteur mondial numéro 1 d’huile d’olive durement affecté par la sécheresse, a été une aubaine pour la Tunisie, la saison écoulée. Notre pays a pu récolter un peu plus de 5 milliards de dinars en écoulant près de 90% de son huile sur les marchés étrangers, soit presque le double des revenus réalisés en 2022. Les consommateurs tunisiens auxquels l’on réserve une quantité de la recolte qui, bon an mal an, ne dépasse pas quelques dizaines de milliers de tonnes, ont vu les autorités intervenir l’année passée pour contenir l’envolée des prix sur le marché local absurdement indexés sur les cours internationaux. En cette saison, tout semble basculer et les profiteurs d’hier sont devenus les malheureux d’aujourd’hui, et vice versa. Le secteur de l’huile d’olive en Tunisie est ébranlé par l’effondrement des prix, mettant à nu, pour la énième fois, l’imppuissance des autorités agricoles à anticiper les crises et son incapacité à gérer l’abondance.
La production record estimée cette année à plus de 350 mille tonnes aurait dû et pu être une bénédiction pour le pays grâce à la manne financière inestimable que pourraient générer les exportations de notre or vert. Seulement, voilà que la filière toute entière est frappée par ce qui ressemble à une malédiction des prix. Tout était pourtant prévisible et beaucoup de voix ce sont élevées depuis deux mois pour mettre en garde contre une dégringolade destructrice des prix. Dans l’un de nos numéros du mois de novembre, nous avons rapporté les prévisions prometteuses (désavantageuses pour certains) d’une très bonne récolte en Espagne qui mènera immanquablement les prix à des niveaux très en deçà des résultats de la saison 2023/2024.
Crise
Il était en effet attendu que la Tunisie, grand producteur et exportateur d’huile d’olive, voit sa part de marché se rétrécir avec le retour de l’Esapgne. Le problème c’est que l’ampleur de la crise qui est aujourd’hui en train d’enfler dans le secteur oléicole local et qui risque d’avoir des conséquences irréparables pour une filière stratégique et vitale pour l’économie nationale. L’huile d’olive représente en effet plus de 40% des exportations agricoles en Tunisie et constitue une source de revenus essentielle pour le Trésor public très déséquilibré. C’est également grâce à l’huile d’olive que la Tunisie parvient à maintenir dificilement le déficit de sa balance commerciale à un niveau gérable. Pour dire que l’effondrement de cette filière que certains tendent maladroitement à provoquer par leur avidité mercantile sera synonyme d’une perte économique majeure. Depuis plusieurs semaines des experts ont aleté les décideurs politiques en Tunisie sur les conséquences inévitables de la baisse des prix internationaux sur le marché local et par ricochet sur le rendement de nos exportations. Négociée aujourd’hui dans le marché local au-dessous de dix dinars le litre dans certaines régions du pays, l’huile d’olive peut poursuivre sa chute pour être plus que jamais à la portée de toutes les bourses. Une tendance qui déplaît beaucoup aux producteurs et aux exportateurs qui ne trouvent plus leurs marges habituelles. Au centre du pays, principal bassin oléicole, les prix d’olive ont été divisés par trois comparé à l’année dernière. Conséquence : la cueillette a été suspendue dans plusieurs exploitations. Certains croient que les affaires de corruption et de malversation mises au grand jour au lendemain des visites du président de la république dans des olivraies relevant du domaine de l’Etat auraient peut-être eu des effets indésirables qui paralysent la filière. Parmis les suspects, figurent en effet des acteurs très influents dont le plus grand exportateur privé d’huile d’olive en Tunisie dont la marque est très convoitée à l’étranger. Mais sans aller très loin dans les interprétations qui frôlent les limites du complot, il faut souligner le manque de réactivité de la part des autorités de régulation, principalement l’Office national de l’huile qui s’est contenté d’observer sans prendre les mesures préventives. Les actions entreprises, après coup, pour tenter de limiter les dégâts d’un désastre économique et commercial annoncé n’avaient finalement pas eu l’effet escompté.
H. G.