L’Institut supérieur d’histoire de la Tunisie contemporaine a présenté, mercredi dernier, la traduction arabe du livre « La Protection française en Tunisie », publié en 1918 à Genève par le militant nationaliste Mohamed Bach Hamba. Cette traduction, réalisée par le chercheur Ali Aït Mihoub, est qualifiée de « document rare » et « inédit », l’Institut affirmant posséder l’unique exemplaire connu du texte, introuvable dans les archives.
Ce livre, réédité pour la première fois, met en lumière une contestation précoce du régime colonial, dévoile les coulisses de la lutte nationaliste en exil pendant la Première Guerre mondiale et relance le débat sur la légitimité du protectorat français. L’ouvrage, présenté à la librairie El Kitab à Mutuelleville, éclaire une période souvent négligée : l’action des nationalistes tunisiens à l’étranger durant la Grande Guerre (1914-1918). Selon Khaled Obeid, directeur de l’Institut et historien, cette publication remet en question « certaines certitudes longtemps enseignées » et ouvre la voie à de nouvelles recherches dans les archives internationales.
Le texte de 19 pages critique vigoureusement la légitimité du protectorat français en Tunisie. Bach Hamba y développe trois arguments principaux : la signature « forcée » du traité par le Bey Mohamed Sadok, l’absence de pouvoir juridique réel du Bey en tant que représentant ottoman, et la résistance armée des Tunisiens, qui rendait le protectorat « inacceptable ». L'ouvrage se distingue également par son appel précoce à l'indépendance totale, alors que la plupart des nationalistes réclamaient uniquement des réformes dans le cadre du protectorat. L’édition comprend aussi des lettres échangées avec Abdelaziz Thâalbi, où Bach Hamba l'incite à intégrer cette revendication dans le mouvement national.
L’historien Khaled Abid souligne également ce qu’il qualifie de « crime silencieux » : la conscription forcée de milliers de Tunisiens durant la Première Guerre mondiale, envoyés combattre au front ou travailler dans les usines françaises.
Le volume présente le texte original en français, sa traduction en arabe, ainsi que des introductions signées par le traducteur Ali Aït Mihoub et le directeur de l’Institut.
Frère du leader de la Jeunesse tunisienne Ali Bach Hamba, Mohamed Bach Hamba (1881-1920) était une figure marquante du mouvement national. Formé en droit, traducteur et juge au tribunal de Dar El-Dhiba, il quitte la Tunisie en 1913 et s’installe à Genève, où il rédigea son ouvrage.
Cette publication s’inscrit dans un programme de l’Institut visant à préserver la mémoire du mouvement national. Grâce à des recherches approfondies, près de deux millions de documents d'archives ont été rapatriés, en plus de fonds sonores.

