Le débat autour du déploiement d’une force internationale à Gaza revient avec insistance dans les cercles diplomatiques, sous prétexte de garantir un cessez-le-feu durable et de stabiliser la bande meurtrie. Pourtant, cette idée, séduisante en apparence, pourrait s’avérer désastreuse dans la réalité.
L’histoire récente démontre que les forces dites « internationales » ont rarement été neutres ni efficaces lorsqu’il s’agissait de défendre les droits des peuples arabes. Au contraire, leur présence risque de consacrer le statu quo imposé par l’occupation et d’affaiblir encore davantage la souveraineté palestinienne.
Une telle force, souvent sous la bannière de l’ONU mais, dans les faits, soumise à la volonté des grandes puissances, risquerait de servir d’écran à la poursuite des politiques sionistes. Derrière les discours sur la « sécurité » et la « stabilisation », se cache le projet de placer Gaza sous tutelle internationale, c’est-à-dire de retirer aux Palestiniens tout pouvoir réel sur leur propre territoire. Ce serait, une fois de plus, le peuple palestinien qui paierait le prix de l’inaction arabe et de la duplicité occidentale.
L’expérience du Liban en 2006 avec la FINUL est là pour nous rappeler les limites de ces déploiements. Malgré des effectifs considérables, cette force n’a pas empêché les violations répétées de l’espace libanais ni les agressions israéliennes. Dans le cas de Gaza, une mission internationale risquerait de devenir une force d’occupation déguisée, surveillant la population plutôt que l’agresseur. Sous couvert de maintien de la paix, elle instaurerait un contrôle étranger durable sur un territoire palestinien déjà martyrisé.
C’est pourquoi, si la communauté internationale veut réellement contribuer à la paix, elle devrait d’abord s’attaquer à la racine du problème : l’occupation et le blocus illégal imposés à Gaza depuis plus de dix-sept ans. Sans levée du siège, sans reconstruction, sans reconnaissance pleine et entière des droits nationaux du peuple palestinien, aucun déploiement ne saurait produire autre chose qu’une trêve illusoire.
Face à cela, l’alternative crédible réside dans une initiative arabe collective. Les pays arabes disposent non seulement de la légitimité historique et morale, mais aussi de la proximité géographique et culturelle nécessaire pour intervenir efficacement.
Une force arabe — mandatée par la Ligue des États arabes et composée d’Égyptiens, de Jordaniens, de Qataris, de Tunisiens, de Marocains ou d’autres contingents — pourrait assumer la mission de garantir le cessez-le-feu tout en protégeant la population civile palestinienne.
Une telle présence serait radicalement différente d’une mission onusienne dominée par les puissances occidentales. Elle traduirait une volonté politique arabe d’assumer la responsabilité collective envers la Palestine, symbole de la dignité et de la solidarité du monde arabe. Elle permettrait aussi d’établir un cadre de coopération régionale sur des bases d’égalité et de respect mutuel, loin des diktats extérieurs.
Pour réussir, cette force arabe devrait être accompagnée d’un plan global : un engagement clair pour la reconstruction de Gaza, une coordination politique entre les factions palestiniennes, et une pression diplomatique accrue pour la reconnaissance d’un État palestinien souverain avec Al Qods pour capitale. Ce n’est qu’à cette condition que le cessez-le-feu pourra devenir durable et que Gaza pourra enfin respirer après des années de siège et de souffrances.
Le monde arabe a trop souvent laissé d’autres décider à sa place. L’heure est venue de rompre avec cette dépendance stratégique. Le déploiement d’une force arabe à Gaza ne doit pas être perçu comme un geste symbolique, mais comme une affirmation de souveraineté collective et un message fort adressé à la communauté internationale : les Arabes sont capables de défendre leurs propres causes et de garantir leur propre sécurité.
Gaza n’a pas besoin d’être placée sous tutelle étrangère. Elle a besoin d’être protégée par ses frères. Une force internationale, dictée par les intérêts des puissances occidentales, serait fatale : elle gèlerait le conflit sans jamais le résoudre, consacrerait l’occupation et priverait les Palestiniens de leur droit à l’autodétermination. En revanche, une présence arabe concertée serait le premier pas vers une paix juste, enracinée dans la solidarité, la dignité et la justice.
La question palestinienne n’est pas une crise humanitaire parmi d’autres : c’est une cause politique et morale qui engage la conscience de tout le monde arabe. Si les nations arabes veulent peser dans le futur de la région, c’est à Gaza que leur unité et leur crédibilité doivent se mesurer.
C’est là que se joue, aujourd’hui, la frontière entre soumission et indépendance, entre dépendance et dignité.
Le destin de Gaza ne doit pas être décidé à New York ou à Bruxelles, mais dans les capitales arabes.
J.H.

