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Editorial : Rompre avec une dépendance nuisible - Par Hassan GHEDIRI

«La Tunisie décroche le premier Prix Mario Solinas 2025 de la meilleure huile d’olive extra vierge au monde», «La Tunisie rafle 60 médailles d’or au Global International Olive Oil Competitions à Abu Dhabi», « La Tunisie, leader mondial des exportations de dattes », «Les dattes tunisiennes envahissent de nouveaux marchés », «Près de 12 milliards de dinars générés par les TRE et le tourisme », «Les recettes touristiques et les transferts des Tunisiens de l’étranger capables de couvrir 120% du service de la dette extérieure»… Voilà six exemples de titres qui font la une de journaux depuis un certain temps en Tunisie. Des titres qui, osons le dire, dessinent, avec un petit nombre de phrases et moins de quatre chiffres, les traits de la politique économique générale du pays et expriment en même temps cet étrange contentement de dépendre  des secteurs vulnérables et structurellement fragiles face aux chocs extérieurs. C’est que malgré un gigantesque potentiel de développement et d’innombrables opportunités offertes dans de très nombreux secteurs innovants et à très haute valeur ajoutée, tous les gouvernements qui se sont succédé ne jurent que par « l’or vert », « Deglet Nour » et l’agent des touristes et les précieuses devises généreusement versées sur des comptes bancaires nationaux par un peu plus de trois millions de Tunisiens installés à l’étranger. Ensemble, ces secteurs forment en réalité un barrage fragile à peine capable d’empêcher la débâcle. En manquant toujours de diversifier les sources de financement de l’économie par des secteurs solides, performants et durables, la Tunisie met tous ses œufs dans le même panier et se rend extrêmement vulnérable.
Cette dépendance excessive à des secteurs vulnérables est très nuisible à la pérennité de l’économie nationale. Dépendre de sources de revenus extrêmement exposés aux aléas climatiques, sanitaires et géopolitiques est un choix nuisible et dangereux, et il n’est point une stratégie de développement mais une stratégie de survie à court terme. Nuisible parce qu’il perpétue un modèle économique historiquement fragile, peu créateur de valeur ajoutée et d’emplois de qualité. Dangereux, car il expose le pays à de très graves crises de paiements en cas de chocs imprévus et simultanés sur ces secteurs, comme par exemple une calamité naturelle dans l’agriculture couplée à une crise géopolitique mondiale de grande envergure affectant le tourisme et la diaspora. D’où la nécessité de briser cette « satisfaction » et d’engager une diversification économique plus orientée vers les secteurs innovants, plus résilients grâce à des investissements conséquents dans la recherche et une plus grande indépendance et maîtrise technologique. 
Briser cette dépendance, c’est avant tout rompre avec une logique de facilité. Il est en effet plus aisé de se célébrer pompeusement les prix internationaux récoltés par l’huile d’olive ou bien de se féliciter des revenus extraordinaires générés par le tourisme et la diaspora qui permettent d’effacer une bonne partie de la dette. Transformer radicalement l’économie à même de créer des sources inépuisables pour financer les dépenses et honorer les créanciers est une autre paire de manches. Miser sur les mêmes leviers depuis des décennies, c’est maintenir le pays dans une zone de confort trompeur. La Tunisie ne manque pourtant pas d’atouts pour changer son destin parce que des milliers de compétences majoritairement jeunes capables d’exceller dans les technologies et l’ingénierie ne demandent qu’à être valorisés et encouragés pour créer cette transformation qualitative majeure. Les opportunités offertes par l’économie numérique, l’intelligence artificielle, la transition énergétique ou encore l’industrie biotechnologique sont immenses. Mais faute de stratégie nationale claire, ces opportunités s’évaporent et les compétences partent massivement pour contribuer à enrichir des économies concurrentes et à appauvrir, malgré eux, la nôtre. 
H.G.

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