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Editorial : Faire progresser le débat - Par Hassan GHEDIRI

Nous avons déjà consacré un éditorial à la question de la statistique en tant qu’outil de détection des tendances et d’aide à la décision, mais pouvant aussi parfois être un instrument de manipulation lorsque la transparence n’est pas garantie et que des incohérences entachent la pertinence de l’interprétation scientifique. Voilà, donc, que nous nous voyons, encore une fois, obligés de s’attarder sur la même problématique et ce à cause d’un débat qui n’en finit pas sur les performances économiques déclarées par le gouvernement. Il faut dire que, partout dans le monde, les statistiques publiques, étant un produit exclusif de l’appareil d’Etat, ne font jamais l’unanimité. Tandis que la théorie veut que la science statistique soit la discipline qui ne laisse, en principe, aucun doute sur l’efficience de la collecte et l’analyse des données et sur l’exactitude des résultats formulés, la pratique laisse, cependant, émerger de nombreuse interrogations sur d’éventuelles manipulations et instrumentalisations des données statistiques. C’est pour cela d’ailleurs que dans un contexte global, il y a toujours des voix qui s’élèvent pour contester les politiques de certains pays qui exhibent de prétendus indicateurs de performance et en camouflant délibérément les résultats qui embarrassent. En l’absence des garde-fous, c’est-à-dire des instruments de régulation qui imposent aux pouvoirs publics d’obéir aux exigences de la transparence et de préserver l’objectivité et la neutralité des données statistiques, il devient très facile d’induire en erreur l’opinion publique.
Conscients des risques de détournement des chiffres, les scientifiques mettent en garde contre la pratique de certains gouvernements qui ont tendance à utiliser l’information statistique pour justifier les politiques adoptées. C’est-à-dire que la statistique est manipulée pour faire croire que tout va bien et que les objectifs visés sont atteints au lieu qu’elle ne soit un outil d’aide à la décision. Cette utilisation des chiffres à mauvais escient suscite, justement, les appréhensions de beaucoup de spécialistes dans notre pays qui ont du mal à croire à la hausse miraculeuse de la croissance du produit intérieur brut déclarée au mois d’août dernier par l’INS. Selon l’autorité publique, notre pays aurait réalisé un taux de croissance de 3,2% au deuxième trimestre, soit deux fois mieux qu’au cours du premier trimestre. Un résultat qui semble diverger avec une réalité économique et financière caractérisée par des déficits qui ne cessent de s’aggraver accentuant les déséquilibres des balances courantes.
C’est pourquoi il est essentiel de mettre en place de véritables mécanismes de contrôle et de régulation autonomes et auxquels sont attribués les prérogatives et les ressources appropriées qui leur permettent de garantir que les statistiques publiques, notamment celles produites par l’INS, soient des informations destinées à éclairer l’opinion publique sur les choix économiques et sociaux adoptés par l’Etat. L’impartialité et la neutralité de l’information économique publiée par les institutions spécialisées empêchent que la statistique se transforme en un simple outil de propagande qui légitime les choix politiques au détriment de la vérité économique et sociale. La crédibilité des chiffres officiels dépend de l’engagement des pouvoirs publics à dissiper les doutes et à enlever les ambiguïtés à travers une vraie communication qui fasse progresser le débat public sur les problématiques économiques du pays.

H.G.

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