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Editorial : Plongée en perspective dans les abysses des profondeurs …

Par Chokri BACCOUCHE

Si la mondialisation prône la libre circulation des marchandises et des individus, dans la pratique, force est de remarquer qu’il n’y a rien de tout cela ou presque. Certes, les biens de consommation passent d’une frontière à une autre dans le cadre des échanges commerciaux, mais aussi librement qu’on ne le pense. Les pays dits riches et développés s’ingénient à chaque fois à ériger des obstacles et de nouvelles lois face aux exportations des pays pauvres qu’ils s’empêchent paradoxalement d’appliquer sur leurs propres produits. Résultat des courses, le jeu est pipé dès le départ et c’est à prendre ou à laisser. Les puissants imposent ainsi aux plus vulnérables la marche à suivre, biaisant au passage tout le système.

Pour ce qui est de la libre circulation des individus, c’est encore pire. Les frontières se ferment hermétiquement et sont cadenassées à double tour face aux individus qui envisagent de se rendre d’un pays à un autre. Les ressortissants des pays du Sud notamment sont traités comme des parias et subissent le calvaire des visas qui sont de plus en plus délivrés au compte-gouttes. Rares sont ceux qui réussissent à obtenir le précieux sésame au prix d’un véritable parcours du combattant et peu importe leur statut social ou le mobile de leur voyage. La situation a même tendance à s’aggraver depuis quelques années. En raison de la crise économique qui sévit un peu partout dans le monde, de nombreux pays se sont repliés sur eux-mêmes, fermant au passage leurs frontières au quadruple tour. L’étranger devient ainsi non seulement indésirable, mais il est également tenu pour responsable, ne serait-ce qu’en partie, de la mauvaise passe que connaît le pays. C’est ce qui explique, en fait, la montée en puissance des partis d’extrême droite en Europe ou ailleurs qui font de la lutte contre l’émigration leur principal fonds de commerce électoraliste.

La chasse aux étrangers devient le credo en vogue et le cheval de bataille des politiques. De nouvelles normes et de nouvelles lois drastiques et résolument plus sévères sont ainsi imposées dans le but de restreindre à leur plus simple expression les flux migratoires. Les droits d’asile sont supprimés ou presque et même les expatriés en règle se retrouvent aujourd’hui menacés d’expulsion vers leur pays d’origine à la moindre incartade ou infraction des lois imposées dans les pays d’accueil. Aux Etats-Unis, les choses tournent carrément au vinaigre. En effet, il n’a suffi que quelques heures après son investiture officielle pour que le revenant Donald Trump mette en branle son programme anti-migration. Des centaines de migrants clandestins ont été renvoyés ces derniers jours à bord d’avions militaires vers leur pays d’origine dans le cadre de ce que la porte-parole de la Maison-Blanche a qualifié «d’opération d’expulsion de masse la plus grande de l’histoire». Pour rappel, le jour même de l’investiture de Trump, le Sénat américain à majorité républicaine a adopté un projet de loi qui requiert la détention par les forces de l’ordre fédérales de migrants en situation irrégulière et soupçonnés de certains délits. Autant dire que la traque aux migrants ne fait que commencer et va certainement déboucher au fil des jours sur des battues en règle dans un climat de tension et de frayeur extrême. S’il est admis que cette opération de ratissage à grande échelle relève, quoiqu’on le dise, d’une décision souveraine, elle ne pose pas moins un sérieux problème lié au droit d’asile qui est universellement reconnu, comme l’a souligné d’ailleurs l’organisation onusienne. Les droits d’asile, les conventions internationales et autres inventions juridiques savantes ne sont, en définitive, que des pipeaux dans le monde d’aujourd’hui. Elles sont faites pour berner les esprits naïfs et surtout pour être violées allégrement et impunément par les nababs et les puissants de la planète. Elles ne sont surtout bonnes que quand il s’agit de les appliquer, de gré si possible, par la force, les pressions ou les menaces si nécessaire, aux seuls pays vulnérables et pauvres.

Le mime étant très à la mode dans le monde, il est à craindre que d’autres pays soient tentés d’adopter le mode opératoire «trumpien» pour juguler les flux migratoires. On pense notamment à l’Europe où les signes avant-coureurs de pratiques à peu près similaires commencent d’ores et déjà à se faire sentir depuis quelque temps. Bref, on peut vraiment dire que les pays dits riches ferment hermétiquement leurs frontières et le monde ferme, à son tour, par conséquent ses écoutilles à l’instar d’un submersible et s’apprête à entamer une longue plongée dans les abysses des profondeurs. C’est-à-dire l’incertitude la plus absolue, la montée de l’intolérance, du rejet de l’autre et du protectionnisme à tout crin. On espère se tromper, mais tous les ingrédients sont désormais réunis pour envisager des lendemains qui déchantent pour l’ensemble de l’humanité…

C.B.

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