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La direction de la SNCFT « ne peut rien faire » : Les cheminots débraient, la capitale s’étrangle

Par Hassan GHEDIRI

Des milliers de voyageurs livrés à leur sort, des embouteillages monstres, des goulots d’étranglement partout et des pertes qui se chiffreraient par des centaines de millions de dinars…

En fait, ce que vous lisez ci-dessus ne résume que dérisoirement le calvaire vécu hier, sans exagération, par des centaines de milliers de Tunisiens, obligés de supporter les caprices des syndicats des chemins de fer, qui ont décidé de suspendre pendant 48 heures le trafic des trains sur l’ensemble du réseau ferroviaire de la SNCFT. Décalé d’un jour pour permettre aux candidats du baccalauréat d’achever les épreuves de la session principale qui a pris fin mercredi 11 juin, ce nouveau débrayage était bel et bien évitable. Selon le PV publié à l’issue de la dernière réunion de conciliation tenue le 09 juin 2025, les deux parties, en l’occurrence le syndicat des cheminots et la direction générale de la SNCFT, n’avaient pas épuisé toutes les possibilités de s’entendre sur les points de discorde. Leur différend demeure surmontable d’autant plus que l’autorité de tutelle dit se pencher sur des points primordiaux des revendications du syndicat, notamment celui relatif à la révision du statut des agents de la SNCFT. Sur ce point, la partie administrative affirme que la deuxième version du projet dudit statut a été transmise à la présidence du gouvernement depuis le 10 février 2025 afin de finaliser les procédures nécessaires. Pour ce qui est de l’autre point qui constitue une revendication fondamentale pour les cheminots et qui concerne la régularisation de la situation des agents exerçant des fonctions supérieures à leur grade et des agents diplômés, l’administration explique, toujours selon le PV, que des commissions créées à cet effet «s’attachent à finaliser l’étude des dépenses soumises» indiquant que les listes définitives devant être établies dans les meilleurs délais conformément aux conditions et procédures définies.
Le mot d’ordre de la grève a été tout de même lancé et il semble avoir été unanimement suivi par tous les cheminots laissant dans l’embarras des centaines de milliers de passagers réguliers et occasionnels qui n’ont vu aucun train rouler, hie, sur les grandes lignes et les lignes des banlieues de Tunis et du Sahel. Sur sa page officielle du réseau social Facebook, le syndicat des cheminots n’a d’ailleurs pas manqué de célébrer la «réussite» du mouvement de grève qui a été suivi par 100% des agents de la SNCFT et de la Société des Travaux des Chemins de Fer (SOTRAFER).
Ce débrayage, il faut le dire, qu’on n’arrive plus à répertorier, tellement les grèves des cheminots transformées en une démonstration de force, sont incalculables. Sans aucun doute, le droit de grève demeure un droit fondamental. L’on ne peut toutefois s’empêcher de s’interroger, en permanence, sur le coût de ces grèves qui paralysent des secteurs vitaux et privent des centaines de milliers voire parfois des millions de personnes de leur droit de bénéficier de certains services fondamentaux tels que le transport.

Des milliards
Ce mouvement de grève, qui a débuté mercredi 11 juin à minuit et se terminera aujourd’hui vendredi 13 juin à la même heure, est synonyme de deux jours d’anarchie, de laisser-aller laisser-faire dans le transport. Tentant d’apaiser la colère des usagers qui ont commencé à exprimer leur ras-le-bol sur les réseaux sociaux dès le lancement du mot d’ordre de la grève par le syndicat des cheminots, la direction de la SNCFT s’est contentée d’un bref communiqué dans lequel elle « exprime ses regrets concernant l’échec des négociations avec les représentants du syndicat privé des chemins de fer ». La société affirme, toutefois, avoir « pris toutes les mesures nécessaires pour assurer le transport des citoyens ». Chose qui n’a pas manqué de provoquer l’ire et la moquerie des internautes qui ne voient pas comment la direction de société compte procéder pour assurer le déplacement des centaines de milliers de personnes malgré la grève de ses conducteurs de trains. La direction générale de la SNCFT n’a finalement pu rien faire parce que les usagers réguliers des trains ont dû se débrouiller, hier, et devraient le faire encore une fois aujourd’hui, au grand bonheur des taxis et autres transporteurs qui n’attendent que ce genre d’occasion pour profiter des passagers abandonnés à leur sort en imposant des prix exorbitants. Sur plusieurs kilomètres du trajet séparant Tunis et ses banlieues sud, des embouteillages non-stop se sont formés hier dès les premières heures de la journée, après que des centaines de nouveaux automobilistes, qui étaient jusqu’ici des usagers assidus des trains, sont venus prolonger l’enfer des embouteillages et généraliser les bouchons dans les routes. Un ras de marrée de véhicules qui a déferlé sur le centre de la capitale conduisant à une saturation inédite des parkings et des places de stationnement payant.
Ce climat de pagaille généralisée n’est cependant que l’un des aspects visibles de l’impact de cette grève. L’autre, plus discret mais autrement plus coûteux, touche de plein fouet le secteur économique, notamment celui du transport de marchandises. La SNCFT n’assure pas uniquement le transport de passagers : elle est également un maillon essentiel de la logistique nationale, en particulier pour l’acheminement du phosphate depuis les sites miniers du centre vers les ports d’exportation. Or, chaque jour de grève signifie des trains immobilisés, des cargaisons bloquées, des chaînes de production à l’arrêt et des engagements commerciaux mis en péril. Selon des estimations préliminaires issues du ministère du Transport, une grève de deux jours pourrait coûter à la collectivité entre 18 et 25 millions de dinars en pertes directes et indirectes. Une somme colossale qui englobe les pertes liées aux retards dans les exportations de phosphate, l’augmentation des coûts de transport pour les entreprises contraintes de recourir à la route, la désorganisation des zones industrielles, sans oublier le préjudice économique infligé aux travailleurs du quotidien. Un chiffre qui donne la mesure d’un conflit social dont les conséquences débordent largement le simple cadre syndical.

H.G.

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