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Editorial : Trouver les ingrédients de la «bonne austérité» ! - Par Hassan GHEDIRI

S’il a ratifié le projet de la loi de finances de 2025, cela ne veut pas dire qu’il approuvait les dispositions ayant été votées par la majorité des voix des députés de l’ARP et des membres du Conseil national des régions et des districts. Son approbation a été, en effet, dictée par le devoir d’assurer «la continuité du fonctionnement de l’Etat».  C’est, en substance, ce qu’a tenu à souligner le Chef de l’Etat en rencontrant, lundi, le Chef du gouvernement et les ministres des Finances et des Affaires sociales, selon un communiqué diffusé à la même occasion par la présidence de la république. Toujours d’après le même communiqué, Kaïs Saïed a rappelé à ses ministres la nécessité d’œuvrer pour «restaurer le rôle social de l’Etat» estimant qu’il avait été délibérément abandonné depuis trente ans. C’est toutefois son appel renouvelé à l’austérité qui semble susciter la curiosité des observateurs et qui ne passe pas, aussi, sans provoquer une colère à peine cachée dans les commentaires moqueurs qui pullulent sur les réseaux sociaux. Les plus avertis, eux, sans doute curieux de savoir avec quelle marge de manœuvre l’Etat envisage-t-il étendre la politique d’austérité par laquelle il visait équilibrer davantage les finances publiques après avoir presque épuisé toutes les solutions en déployant les mécanismes de compressions budgétaires, de blocage des investissements et de gel des embauches et des salaires.

 L’austérité telle que suggérée par Kaïs Saïed et que le gouvernement allait, apparemment, devoir raffermir ne pouvait qu’angoisser davantage les Tunisiens qui voient déjà dans la politique de rigueur adoptée par l’Etat une épée de Damoclès suspendue en permanence au-dessus de leur tête. Des inquiétudes que Saïd tente énergiquement à dissiper en réaffirmant à chaque occasion que l’austérité qu’il veut ne s’oppose pas aux objectifs fondamentaux, qui consistent à la fois, comme nous l’avons précédemment souligné, à restaurer le rôle social de l’Etat, à mettre fin à la dilapidation de l’argent public, à rétablir la justice sociale, le tout avec une approche nationale basée sur la politique du «compter sur soi» qui rompt avec tout diktat étranger. Le Président de la république, qui s’est toujours farouchement opposé à l’idée de la privatisation des entreprises publiques, croit, toujours selon la théorie d’austérité qu’il défendait, qu’une opération de dégraissage est inéluctable dans beaucoup d’établissements et institutions publics hypertrophiés et surdimensionnés par rapport aux besoins du pays. Conscient des réactions que devrait immanquablement susciter son appel à ce que l’on appelait dégraissage du secteur public, Saïed a tenu à clarifier qu’il n’est point question de privatisation, mais de préservation de l’argent public.

Bon nombre d’observateurs pensent cependant qu’une telle approche ne suffira pas pour restaurer l’équilibre des finances publiques durement déstabilisé par les dettes ni à remettre sur les rails une économie quasi-paralysée par le manque d’investissement et minée par un taux de chômage fluctuant depuis plusieurs années, autour de 15%. C’est donc à un grand paradoxe que se confronte l’Etat en décidant de s’engager, très prudemment, sur le chantier des réformes. L’austérité peut s’avérer une voie incontournable dans la conjoncture que traverse la Tunisie, mais ce choix ne peut conduire qu’à une baisse de l’activité économique et par ricochet, à une hausse du chômage et à plus de pression sur les ménages. Le grand défi que l’Etat doit pouvoir relever c’est de trouver les ingrédients pour concocter la «bonne austérité» qui ne casse pas le peu de la croissance qui nous reste, n’augmente pas le chômage, n’aggrave pas les déficits ni les dettes. Un vrai casse-tête.

H.G.

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