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La pression fiscale étouffe la croissance et entrave la compétitivité : En finir avec le mythe du «mal nécessaire» !

Par Hassan GHEDIRI

La Tunisie, qui a tristement préservé en 2024 le titre du champion d’Afrique de la pression fiscale, ne peut plus se contenter de réformettes ou d’ajustements marginaux…. 

Le constat est clair et sans appel, et il fait pratiquement l’unanimité de tous dans le milieu des affaires en Tunisie. La taxation exagérément élevée paralyse la production, réduit l’investissement et freine la croissance. Les derniers en date à le dénoncer étaient un échantillon composé de plus de 240 entreprises tuniso-françaises qui, interrogées par leur chambre de commerce et d’industrie, ont affirmé à ceux qui voulaient bien les entendre que la pression fiscale est un frein majeur à l’entrepreneuriat. 

En 2024, la Tunisie a, encore une fois, détenu le record peu enviable de la pression fiscale la plus élevée du continent africain, avec un taux avoisinant les 35% du PIB, selon les estimations des experts. Un chiffre qui dépasse largement la moyenne des 35 pays africains, située autour de 17,5%. Cette situation alarmante est vivement critiquée par les opérateurs économiques, qui y voient un frein majeur à l’investissement et un obstacle à la compétitivité des entreprises. Pourtant, malgré ces recettes fiscales abondantes, représentant près de 60% du budget de l’État, les retombées en termes de développement économique et social restent insuffisantes.

La Tunisie, déjà confrontée à une crise économique persistante, une dette publique croissante et un chômage élevé (officiellement autour de 16%, mais bien plus élevé chez les jeunes), voit sa situation aggravée par une fiscalité étouffante. Les entreprises, qu’elles soient grandes ou petites, peinent à survivre dans un environnement où les charges fiscales et sociales sont parmi les plus lourdes de la région. Selon un rapport de la Banque mondiale, la complexité du système fiscal tunisien et les taux élevés d’imposition découragent les investissements directs étrangers (IDE), qui ont chuté de 20% entre 2022 et 2024. Par ailleurs, l’informalité de l’économie, estimée à plus de 40% du PIB, est en partie due à cette fiscalité excessive, poussant de nombreux acteurs à échapper au système officiel. 

Les recettes fiscales, bien que substantielles, ne semblent pas être utilisées de manière optimale. En 2024, près de 60% du budget de l’État provenait des impôts, mais une grande partie de ces fonds est absorbée par les salaires de la fonction publique (environ 15% du PIB) et les subventions, sans pour autant stimuler la croissance ou améliorer les infrastructures publiques. Le secteur de l’éducation, par exemple, ne reçoit que 7% du budget, bien en deçà des besoins du pays.

Les PME particulièrement touchées

Les entreprises tunisiennes, déjà confrontées à des défis structurels tels que la bureaucratie, la corruption et un accès limité au financement, doivent en plus supporter une fiscalité excessive. Selon le classement mondial de la compétitivité du Forum économique mondial, la Tunisie a perdu cinq places en 2024, se classant désormais au 92e rang sur 140 pays. Les chefs d’entreprise dénoncent un manque de visibilité et de stabilité fiscale, ce qui les empêche de planifier à long terme.

Les petites et moyennes entreprises (PME), qui représentent plus de 90% du tissu économique tunisien, sont particulièrement touchées. Beaucoup d’entre elles sont contraintes de fermer leurs portes ou de réduire leurs effectifs, faute de pouvoir supporter le poids des taxes et des cotisations sociales. En 2024, plus de 1.500 entreprises ont déposé le bilan, selon les chiffres de l’Institut national de la statistique (INS).

Comme ne cessent de le rappeler tous les spécialistes, la réforme du système fiscal s’avère une urgence pour rendre le climat économique vivable pour les entreprises et plus attractif pour les IDE.  Cela implique l’assouplissement des règlements et l’adoption d’une approche plus efficace en ce qui concerne la lutte contre l’évasion fiscale aidant à une meilleure intégration de l’économie informelle. Une simplification des procédures et une réduction du nombre de taxes pourraient encourager la normalisation de l’économie. Ceci dit, la lutter contre l’évasion fiscale nécessite le renforcement du dispositif de contrôles et la modernisation de l’administration fiscale à travers la digitalisation qui, selon plusieurs études, permettrait à l’Etat de récupérer des milliards de dinars perdus chaque année.

Il est également indispensable pour l’Etat de réviser ses politiques de dépenses publiques. Les recettes fiscales devraient être investies dans des secteurs prioritaires tels que l’éducation, la santé et les infrastructures, afin de stimuler la croissance à long terme. Pour pallier le manque de fonds publics, le cap doit être mis sur le partenariat public-privé (PPP) qui constitue une solution capable d’encourager les investissements privés dans des projets d’infrastructure et de développement. Sans une action rapide et déterminée, le risque de voir la situation se dégrader davantage reste élevé, avec des conséquences sociales et politiques potentiellement graves.

H.G.

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