Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Le débat est toujours houleux lorsqu’on évoque le dossier des biens confisqués. En cause, la mauvaise gestion de ces biens. Comment remettre de l’ordre dans ce dossier ?
Intervenant jeudi dernier lors de l’examen du budget du ministère des Domaines de l’État et des Affaires foncières, la députée Sonia Ben Mabrouk a revendiqué la publication d’un rapport annuel détaillé concernant le dossier des biens confisqués, incluant des données chiffrées et une liste complète des biens immobiliers concernés.
La députée a également appelé à plus de transparence dans la gestion de ces biens, qualifiant ce dossier de «symbole de blocage et de lenteur administrative », « Bien que le président de la République, Kaïs Saïed, ait insisté à plusieurs reprises sur la nécessité d’accélérer le traitement de ce dossier et d’y accorder davantage de sérieux, un flou total plane toujours sur la gestion de ces biens », nous dira l’expert en économie et en finance, Mohamed Salah Jennadi.
Et d’ajouter : « Selon la Commission de confiscation relevant du ministère des Domaines de l’État et des Affaires foncières, 2.857 décisions de confiscation ont été réalisées depuis 2011. Malheureusement, on ignore toujours le sort de ces décisions. Cela laisse entendre que des dépassements et des abus ont été commis par les responsables de la gestion de ces biens confisqués.
Même le ministère des Finances avait reconnu en 2020 que la cadence de cession de ces biens durant les premières années post-révolution a été en deçà des prévisions et ce pour des considérations objectives et des complications logistiques, juridiques et procédurales »
Jennadi a, par ailleurs, rappelé que le limogeage de l’ancienne ministre des Finances a un lien avec la mauvaise gestion de ce dossier, d’autant que le chef de l’Etat avait déclaré, lors de sa dernière visite à ce département : « Nous sommes toujours au point mort après 14 ans, et ceci est inacceptable. Le peuple doit récupérer ses fonds pillés ». Comment, justement, remettre de l’ordre dans ce dossier ?
Projet de loi…
Pour l’expert Mohamed Salah Jennadi : « Le système mis en place depuis 2011 pour gérer les biens confisqués est complexe et inefficace. Ce dispositif s'articule autour de plusieurs structures clés. Tout d'abord, le Comité de confiscation, créé en 2011, a joué un rôle central, en adoptant 1 864 décisions de confiscation jusqu'à fin 2015.
Ensuite, la société Al Karama Holding a été établie pour gérer les participations confisquées dans 62 entreprises, assurant ainsi la gestion et la valorisation de ces actifs. Par ailleurs, le Comité national pour la récupération des fonds à l'étranger a été initialement créé, puis dissous en 2015, avant d'être remplacé, en 2020, par un comité spécial, placé sous l'égide de la présidence, soulignant l'importance politique de cette mission.
Enfin, le Comité national de gestion des biens confisqués a été institué pour encadrer l'administration et la cessions des actifs saisis, garantissant ainsi une gestion rigoureuse et transparente de ces biens. L'ensemble de ces structures témoigne de la volonté des autorités tunisiennes de récupérer les biens mal acquis et de les réintégrer dans le patrimoine national.
Malheureusement, tous ces organismes ont échoué dans leur mission. Le nouveau projet de loi qui est actuellement en cours d’élaboration doit avoir pour objectif d’unifier le travail des commissions de confiscation et identifier un traitement efficace du système de confiscation et de gestion des biens acquis».
Pour rappel, la cession de participations de l'État a généré des revenus substantiels (2,26 milliards de dinars). Cependant, la récupération des fonds détournés à l'étranger reste un défi majeur. Seulement 28,8 millions de dollars ont été rapatriés, un montant dérisoire comparé aux estimations de 20 à 23 milliards de dollars placés dans divers pays, notamment en Suisse, en France, au Canada et au Luxembourg.
M.B.S.M.

