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Nouvel impôt sur la fortune : Impact réel ou coup d’épée dans l’eau ?

Par Hassan GHEDIRI 

Présenté comme un instrument de justice fiscale qui corrigera les inégalités de répartition des richesses, l’impôt sur la fortune, prévu dans le PLF2026, risque de s’avérer infructueux…

Il faut admettre que c’est un sujet qui ne fait guère l’unanimité. Certes, les Tunisiens, à quelques exceptions près, sont tous d’accord que la fiscalité est injuste en Tunisie. Mais c’est sur la manière par laquelle devait être corrigée cette injustice que les avis sont toujours très partagés.

La nouvelle disposition portant imposition sur la fortune dans le projet de loi de finances de 2026, actuellement discuté au parlement, vient ainsi relancer le débat sur le rôle de l’Etat dans la concrétisation du principe de la justice fiscale et sur la fiabilité des mesures adoptées à cet effet. Selon le texte relayé par  les médias, l’impôt sur la fortune prévu dans l’article 50 du PLF2026 est censé augmenter la contribution des plus riches soumis jusque-ici à l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) fixé à 05% et instauré par la loi de finances de 2023.

Cet impôt, rappelons-le, concerne les personnes possédant un patrimoine immobilier valorisé à 3 millions de dinars ou plus. Sans pour autant déclarer les revenus réalisés à travers l’IFI, le gouvernement envisage donc d’adopter un impôt sur la fortune tout court. 

Cette nouvelle imposition sera appliquée aux fortunes qui valent entre 3 et 5 millions de dinars (MD) avec un prélèvement qui oscille entre 0,5% pour les fortunes n’excédant pas 3 MD et 1% pour les fortunes supérieures ou égales à 5 millions de dinars. Cet impôt sur la fortune s’applique à l’ensemble des actifs incluant les biens immobiliers et mobiliers de toute nature, ainsi que tout autre fonds et titre de valeurs mobilières.

Le PLF2026 prévoit toutefois des exceptions qui concernent notamment la résidence principale et son équipement ainsi que tous les biens immobiliers à usage professionnel. 

Cet impôt, beaucoup d’économistes le voient comme un outil incontournable de justice sociale du fait qu’il permettait une meilleure redistribution des revenus et des richesses en mettant à contribution les plus fortunés. Des revenus qui permettent de répondre aux exigences d’investissement et de développement dans des secteurs stratégiques tels que l’éducation, la santé et autres services sociaux. D’autres tendent toutefois à sous-estimer son impact, fustigeant une taxe punitive susceptible d’inciter à l’évasion fiscale et à faire fuir les capitaux. 

Contreproductif ? 

Ridha Chkoundali, professeur d’économie, partage ce point de vue et croit que l’expérience a montré que c’est un choix infructueux et peu rentable. Il explique que l’impôt sur la fortune n’apportera aucun avantage au système fiscal tunisien, appelant l’ARP à rejeter cette disposition, estimant qu’en Tunisie, il y a déjà assez de taxes qui fait que la pression fiscale soit insupportable incitant à l'évasion fiscale et de la prolifération de l'économie informelle.  

Chkoundali cite le cas de la France qui a remplacé, en 2018, l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF) par un impôt sur la fortune immobilière (IFI) afin d’encourager les investissements.

« Celui ou celle qui a proposé l'impôt sur la fortune dans le PLF2026 s'est, donc, inspiré de l'expérience française infructueuse », s’étonne-t-il. Et d’enchainer pour indiquer que dans beaucoup de pays arabes, ce n’est pas l’IF qui est appliquée mais d’autres formes d’imposition sur la richesse comme par exemple la Zakat fixée à 2,5% ou bien des taxes sur les biens immobiliers de luxe et les actifs d’investissement.

Selon Chkoundali, le nombre des pays qui appliquent l’impôt sur la fortune est très restreint, citant l’exemple de l’Espagne, la Norvège, la Suisse ou bien l’Argentine, mais considère que cette forme d’imposition génère dans la plupart des cas des ressources très dérisoires ne dépassant pas 1% des recettes fiscales et ne permettent pas de transformer radicalement les équilibres financiers de l’Etat.

Souvent, ce choix est contreproductif, puisqu’il incite, toujours selon le spécialiste, à l’évasion fiscale à la délocalisation des investissements, ce qui est de nature à réduire l’assiette fiscale sans compter le coût administratif exorbitant. De nombreux pays européens, qui appliquaient cet impôt, ont été contraints à l'abolir progressivement en raison de problèmes d'efficacité économique, de difficultés de mise en œuvre et de fuite des capitaux, conclut-il.  

H.G.

 

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