Par Hassan GHEDIRI
L’adoption des solutions électroniques de paiement instantané en Tunisie progresse avec un rythme hésitant qui illustre les défis et les ambitions d’une transition numérique à l’échelle du continent.
L’état des lieux du déploiement et de l’intégration des systèmes de paiement instantané (SPI) en Afrique montre une expansion inédite des usages dopée par une numérisation accélérée des services financiers sur l’ensemble du continent.
C’est le principal constat qui ressort du rapport de 2025 publié par la fondation AfricaNenda (créée en 2021 avec le soutien de Bill Gates), ayant pour objectif d’informer les acteurs publics et privés en Afrique, mais aussi dans le monde entier, sur les tendances d’évolution des solutions de paiement instantané.
Le rapport diffusé jeudi dernier (13 novembre 2025) évalue dans 28 pages le caractère inclusif et l’accessibilité des SPI pour les usagers finaux, particuliers et professionnels, ainsi que l’implication des différents acteurs dans la conception et la mise en œuvre de ces systèmes.
L’étude porte sur les SPI opérationnels en 2025 et se base sur des données officielles collectées entre janvier et juin derniers auprès des banques centrales et des fournisseurs de ces services. L’adoption des SPI en Afrique affiche une croissance spectaculaire s’illustrant par le volume et la valeur des transactions réalisées entre 2020 et 2024.
Ainsi, d’après le rapport d’AfricaNenda, un peu plus de 64 milliards d’opérations de paiements électroniques instantanées ont été réalisées durant cette période dans toute l’Afrique. La valeur totale des transactions est alors passée de 775,5 milliards de dollars américains (USD) en 2020 à 1.980,62 milliards USD en 2024, réalisant une croissance annuelle moyenne de 26 %.
Comme dans ses éditions précédentes, AfricaNenda a réalisé cette année une étude détaillée sur les paiements numériques afin de mieux comprendre les expériences et les perceptions des usagers particuliers mais aussi des micro, petite et moyennes entreprises. L’enquête a été menée simultanément dans quatre pays, en l’occurrence la Tunisie, l’Angola, la Côte d’Ivoire et le Madagascar.
Un échantillon composé d’une centaine d’utilisateurs a été choisi dans chacun de ces pays pour tirer les enseignements sur le profil, les exigences et les attentes des usagers.
Craintes
En Tunisie, comme dans les trois autres pays étudiés, il s’est avéré que ce sont généralement les personnes qui perçoivent un revenu régulier qui ont tendance à utiliser plus activement les solutions de paiement numérique.
Contrairement à ce que l’on croit souvent, l’enquête fait également ressortir que les adultes de plus de 30 ans recourent souvent aux paiements électroniques plus que les plus jeunes avec en même temps une nette domination des hommes par rapport aux femmes.
S’agissant des usagers professionnels, l’enquête menée en Tunisie montre que le recours aux systèmes de paiement instantané par les commerçants tend à être très contrasté et dépendant grandement de la disponibilité des solutions, de l’engouement des clients pour les paiements numériques et de la facilité d’accès aux services de paiement électronique.
A l’instar des autres pays étudiés, les enquêtes menées en Tunisie permettent de constater que le paiement en espèce constitue un filet de sécurité même pour les utilisateurs actifs du numérique parmi les professionnels. Souvent jugés instables et peu sûrs, les SPI suscitent les craintes de fraude et alimentent les préoccupations liées à la sécurité des transactions pour environ 75% des partisans du cash.
D’autres obstacles, tels que les pannes de réseau, le manque de formation, les frais de transaction élevés et les carences du service client tendent également à freiner l’adoption massive des solutions de paiement numérique en Tunisie et un peu partout en Afrique.
Mais toujours selon les résultats de l’enquête, les utilisateurs réguliers des systèmes de paiement électronique sont presque unanimes à considérer que ce sont des solutions plus sûres et plus pratiques que la manipulation d’argent liquide, d’autant plus qu’elles évitent à avoir à rendre ou à chercher de la monnaie.
Deux aspects qui, avec la possibilité de réaliser facilement des transactions avec des montants élevés et la plus grande souplesse qu’offrent les SPI pour les paiements de faible valeur, devraient normalement inciter à une adoption plus généralisée des paiements numériques.
Le rapport souligne que la diversification des usages est indispensable pour renforcer l’adoption des paiements numériques chez les personnes à faible revenu et les petites entreprises, y compris celles de l’économie informelle.
L’acceptation de ces paiements par le plus grand nombre des bénéficiaires nécessite la simplification de leur adoption afin de les rendre plus accessibles pour les transactions de faible montant. Les SPI doivent s’étendre à des usages plus simples tels que le paiement du loyer, des billets de transports publics…
H.G.

