Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
L'ARP a adopté, jeudi dernier, la proposition de loi modifiant certaines dispositions du Code pénal des articles 96 et 98 tout en allégeant les peines encourues. Quel est l'impact de cette réforme sur la performance des fonctionnaires ?
Au lieu de dix dans l'ancien texte, le nouveau article 96 stipule : "Est puni de six ans d’emprisonnement et d’une amende égale à l’avantage reçu ou au préjudice subi par l’administration, tout fonctionnaire public ou assimilé, tout employé d’un établissement économique ou social dans lequel l’État participe au capital, chargé, par sa fonction, de la vente, de l’achat, de la fabrication, de l’administration ou de la garde de biens quelconques, qui use de sa qualité pour causer un préjudice matériel à l’administration en échange d’un avantage indu pour lui-même ou pour autrui. Si le préjudice est causé à une institution dont l’État participe au capital, l’amende est calculée proportionnellement au pourcentage de sa participation dans cette institution".
Pour l'avocat Me Houssem Eddine Ben Atiya : " Le nouveau texte apporte à mon avis plus de clarté juridique en plus d'une nouvelle approche au niveau de la qualification des délits qui sont deux notions fondamentales en droit pénal. Il faut savoir également que la clarté juridique implique que les lois définissant les infractions soient précises et accessibles, tandis que la qualification des délits est le processus par lequel on détermine quelle infraction spécifique a été commise, en fonction des faits. Ces deux notions sont liées car une loi imprécise peut rendre difficile la qualification correcte des délits. Ces ambiguïtés ont été, en effet, constatées avec l'ancien texte. Ces mêmes ambiguïtés avaient été utilisées justement par les décideurs et les différents régimes avant et après la révolution à des fins politiques que pénales pour se débarrasser de leurs adversaires. Il fallait alors apporter cette clarté juridique qui servira dorénavant de base pour la qualification des délits. Cela va certainement rassurer les fonctionnaires et les agents publics ainsi que les décideurs, leur donner une marge de manœuvre dans la prise des décisions et rendre l'administration plus efficace". Qu'en est-il de fait des concernés eux-mêmes ?
A la recherche d'une confiance perdue ?
En approchant certains hauts fonctionnaires et cadres, nous avons constaté une certaine méfiance et réticence à répondre à nos questions, " Certes, il s'agit là d'un bon pas en vue de lever cette épée suspendue sur les têtes des fonctionnaires, mais il faut attendre et voir comment ça va passer dans la réalité pour juger de la fiabilité de cet amendement de l'article 96", nous a confié ce directeur central à la Société tunisienne d'électricité et du gaz.
Pour l'avocat Me Houssem Eddine Ben Atiya : " On doit voir les nouvelles dispositions de l'article 98 pour se rassurer et rétablir la confiance entre la loi et les commis de l'état. En effet, même si dans tous les cas visés à l’article 96 (nouveau), le tribunal devra, outre les peines prévues par cet article, prononcer la restitution des choses détournées ou soustraites, ou de la valeur de l’intérêt ou du gain obtenus, même si ces biens ont été transmis aux ascendants, descendants, collatéraux, conjoint et alliés du coupable, qu’ils soient restés en l’état ou transformés en un autre bien, les personnes qui prouvent l’origine légale de ces bénéfices peuvent échapper à la condamnation, tout en respectant le deuxième paragraphe de l’article 96 (nouveau). Dans les cas mentionnés dans cet article, le tribunal peut également infliger l’une des peines complémentaires prévues par l’article 5 du Code pénal à toute personne reconnue coupable. Ainsi, le législateur a cherché à protéger les fonctionnaires et les hauts cadres contre toute confusion entre leurs biens personnels et ceux qui sont mis sous leur autorité et pouvoir en tant que commis de l'Etat".
M.B.S.M.