Par Myriam BEN SALEM-MISSAOUI
Les deux secteurs des transports publics et celui du phosphate ont été paralysés par une grève qui a duré trois jours. S’agit-il d’un simple mouvement social ou d’une escalade choisie par l’UGTT ?
En déclarant hier que « la grève est un moyen légal garanti par la Constitution, et nous ne souhaitions pas y recourir. C’est pourquoi nous avons accordé au ministère des Transports suffisamment de temps pour négocier et discuter, mais aucune réunion n’a été fixée », le secrétaire général adjoint de l'Union générale tunisienne du travail (UGTT), Slaheddine Selmi, impute la responsabilité de l’échec des négociations au gouvernement. Ce dernier a réagi à son tour à cette grève observée durant les trois derniers jours dans le secteur des transports en affirmant que « les revendications sociales, essentiellement financières et jugées excessives, ne pourront être satisfaites que si les entreprises de transport améliorent leurs revenus et stabilisent leurs équilibres financiers ». Le ministère des Transports a, en outre, réaffirmé sa détermination à poursuivre ses efforts pour offrir aux citoyens des services de qualité dans les meilleures conditions. Pour certains observateurs, il s’agit là d’un bras de fer beaucoup plus que d’un simple mouvement social d’autant que cette grève a été accompagnée par une autre action syndicale qui a affecté lourdement le secteur du transport du phosphate. S’agit-il, alors, d’une nouvelle escalade choisie par la Centrale syndicale pour mettre la pression sur le gouvernement et retrouver par la même occasion une certaine notoriété perdue ?
A cet effet, l’universitaire et activiste Salem Chérif nous a indiqué : « Ce qui m’interpelle personnellement est la durée de cette grève. A mon avis, la Centrale syndicale aurait opté pour une grève d’un jour et laisser ainsi la porte ouverte pour les négociations avec le gouvernement. Donc, pour moi, il s’agit d’une escalade qui pourrait envenimer davantage les rapports entre l’exécutif et l’Union générale tunisienne du travail ».
A la recherche d’une notoriété perdue…
Il n’est un secret pour personne que le contexte économique actuel est assez tendu pour supporter une nouvelle crise sociale, « Les négociations sont le seul moyen pour assurer la paix sociale. En effet, la grève comme moyen de pression ne peut être utilisée que comme dernier recours », nous dira l’universitaire et activiste Salem Chérif. Et si, alors, la crise interne au sein de l’actuel bureau exécutif était pour quelque chose dans cette escalade ?
Pour notre interlocuteur, Salem Chérif : « Il faut se rappeler ce qu’a déclaré Anouar Ben Gaddour, membre du Bureau exécutif de la Centrale syndicale, en affirmant que les conditions minimales d'un travail collectif, telles que la cohésion, la confiance et le respect mutuel entre les membres du Bureau exécutif, ne sont plus réunies pour garantir l’unité et la continuité de l’action syndicale. Ce constat est confirmé par Mehdi Mabrouk, professeur de sociologie à l’Université de Tunis, lequel estime que l’appel de Ben Gaddour montre à quel point la crise interne est grave, touchant toutes les structures dirigeantes de l'Organisation, du Bureau exécutif au Conseil national. Idem pour Rachid Najjar, ancien membre de l’Union Régionale de Tunis, avertit que la crise actuelle est dangereuse parce qu’elle se joue à l’intérieur de l’Union générale tunisienne du travail elle-même ». Et d’ajouter : « Paradoxalement, l’organisation syndicale qui a toujours lutté contre la précarité de l’emploi se trouve aujourd’hui piégée par ses propres syndicats qui revendiquent la création de sociétés de sous-traitance à l’image de cette grève observée actuellement par les travailleurs et les cadres de la Société tunisienne de transport des matériaux miniers (STTPM). Ces derniers revendiquent, entre autres, la création d’une unité de sous-traitance pour le transport du phosphate ».
M.B.S.M.